par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°436, mai 2025
Sélection officielle du Festival international du film fantastique de Bruxelles 2023
Sortie le mercredi 14 mai 2025
Après six courts métrages, et deux longs, coréalisés avec Albert Pintó, Matar a Dios en 2017 et Nada S.A. en 2014, Caye Casas, Espagnol originaire de la petite ville de Terrassa où il est né en 1976, nous offre un film peu oubliable, autour d’un nourrisson et d’une table en verre très moche. Le critique marche alors sur des œufs, car il ne faut absolument pas divulgâcher l’intrigue même si, dès le début ou presque, le spectateur et le personnage principal, Jesús, seront les seuls à la connaître. Les autres, notamment la mère, vivent dans l’ignorance de cette horreur qui les attend.
C’est justement cette connivence entre l’acteur principal et le public qui fait toute la force de ce film qu’il faut bien qualifier d’horreur. D’ailleurs, le réalisateur confie qu’il est déjà en train d’en préparer un autre - souhaitons qu’il soit aussi puissant et inoubliable. En effet, il est difficile de parler de ce film étonnant, stupéfiant et terrorisant. Laissons Caye Casas, en dire deux mots, en prenant bien garde là aussi à ne rien dévoiler dans le dossier de presse censé pourtant s’adresser à un public de critiques ayant déjà vu le film, et pour certains plusieurs fois : "C’est quelque chose que je remarque souvent : les spectateurs veulent partir, mais restent, intrigués par la suite. C’était exactement ce que je souhaitais : bousculer le spectateur et lui faire vivre une expérience intense tout au long du film, comme le personnage principal. Seuls lui et le public et connaissent la vérité, et cela crée un lien dans la douleur et la tension. On continue à regarder parce que le film suscite des émotions puissantes. L’essentiel pour moi est de laisser une impression inoubliable".
On ne peut qu’approuver : ce film occupera désormais une place à part, tant il renouvelle le genre horrifique, tout en restant à distance de la peur et sans avoir besoin d’effets spéciaux particuliers. On pourrait aussi attribuer une partie de la fascination qu’il exerce à la transgression d’un tabou suprême, le culte des bébés, rejoignant sans le savoir les provocations télévisuelles de Jean-Christophe Averty qui les passait jadis à la moulinette.
On peut dire, qu’à l’instar de ceux de Roman Polanski, de David Lynch, voire de David Cronenberg, le film repose avant tout sur le langage et la mise en espace d’une situation inhabituelle qui s’inscrit pourtant dans la banalité d’un certain quotidien : ici, une journée d’un jeune-vieux couple avec bébé, qui se dispute au sujet d’une table en verre très laide, que le mari vient d’acquérir à prix d’or alors que sa femme la déteste. Ils se chamaillent quelques heures avant l’arrivée pour le repas du soir du frère et sa nouvelle et très jeune petite amie.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°436, mai 2025
Accident domestique (La mesita del comedor). Réal, sc, mont : Caye Casas ; sc : Cristina Borobia ; ph : Alberto Morago ; mu : Esther Mendez. Int : David Pareja, Estefania de los Santos, Josep Maria Riera, Claudia Riera, Eduardo Antuña (Espagne, 2022, 91 mn).