JC n°436, mai 2025
Couverture : Kim Novak, Kirk Douglas, Strangers when we meet (Richard Quine, 1960)
Quatrième de couverture : Bob Dylan, Drawn Blank, New York, Random House, 1994 (coll. JC)
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Pour ne pas rompre avec l’usage, commençons par la déploration : Max Tessier est mort le 19 avril 2025, à Manille où il résidait depuis plusieurs années. Il fut pendant longtemps un des rares spécialistes français reconnus du cinéma japonais. Au point qu’il a eu droit à un communiqué, signé Rachida Dati, dans lequel elle rappelait qu’il avait collaboré en 1965 à la revue Jeune Cinéma. Le titre de notre revue préférée sous la plume de la ministre de la Culture, nous n’en espérions pas tant ! Nonobstant, elle n’aurait pas dû faire confiance à la notice wikipedia de référence : Max Tessier n’a écrit dans JC qu’en 1967, et dans un seul numéro. Il avait des ambitions plus amples et il rejoignit ensuite quelques revues du temps plus influentes, Cinéma 67, Écran 72, etc., avant de se consacrer au cinéma japonais. Nous étions auparavant très proches, courant d’une salle de la Cinémathèque à l’autre, animant à la Sorbonne le ciné-club Zéro de conduite, écrivant même, avec quelques amis, un scénario - non tourné, l’Histoire du cinéma s’en remettra. Il nous était devenu lointain, la célébrité met à distance. Saluons tout de même sa mémoire, en souvenir de nos années primitives de découvertes communes.
Lorsque ce numéro paraîtra, le Festival de Cannes sera sur le point d’ouvrir sa décade prodigieuse. Comme chaque année, le temps va se figer, les combats se suspendre, les massacres cesser, afin que rien ne vienne troubler le cours du seul festival réellement planétaire. On exagère à peine : les guerres vont évidemment continuer, les génocides fleurir, mais il en faudrait beaucoup plus pour que le festival passât au second plan. Quiconque a fréquenté la Croisette et les abords du Palais sait que, dix jours durant, rien d’autre n’existe là-bas pour ses participants. Un conflit nucléaire entre l’Inde et le Pakistan, peut-être. Et encore. On sait que les radiations ne franchissent jamais les Alpes, alors…
Le festival, 78e épisode de sa première saison, sera-t-il à la hauteur des précédents ? L’interrogation surgit chaque année, après l’annonce de la sélection, dès que l’on en connaît les têtes de gondoles. Peu "d’abonnés" en compétition cette année, les frères Dardenne exceptés. Vont-ils enfin devenir les recordmen cannois, les seuls à afficher trois Palmes d’or ? Ou Julia Ducournau les rejoindre dans la catégorie des doubles lauréats ? Wes Anderson va-t-il trouver la consécration officielle qu’il mérite depuis si longtemps ? Et Mario Martone (1), que Jeune Cinéma suit avec attention depuis 1992 et son mémorable Mort d’un mathématicien napolitain ? Et Jafar Panahi ? Et Kelly Reichardt ? Et l’inconnue Mascha Schilinski, dont Sound of Falling nous a tant surpris ?
Réponse dans trois semaines - mais précisons, comme d’habitude, que l’attribution du hochet suprême ne nous passionne pas vraiment. L’essentiel : que le festival nous offre un panorama, le plus juste possible, de l’état du cinéma tel qu’il est, hic et nunc. Jamais la seule compétition et ses vingt et un films ne peut y parvenir - c’est après l’examen des cent-dix titres présentés par l’ensemble des sections que nous pourrons estimer ce que ce millésime nous a apporté. Même en ayant eu le nez dessus depuis plusieurs mois, nous ne sommes pas encore capable de juger l’importance de ce cru, avant sa décantation nécessaire.
Ce premier numéro de printemps résonne, comme il est d’usage, de quelques échos cannois, avant le coup de sifflet initial, puisque nous avons eu l’occasion de découvrir la quasi-totalité de la production française des six derniers mois. Le CNC peut plastronner : jamais le nombre de films tournés ici en 2024 n’a été aussi élevé - trois cent-neuf, statistique officielle. Mathématiquement, en termes de pourcentage, le qualitatif devrait accompagner le quantitatif. Malheureusement, le cinéma n’est pas une science exacte et l’on a du mal à suivre L’Annuel du cinéma 2025 lorsque, dans les trente meilleurs films de l’année, il en inclut quatorze français - il faut reconnaître qu’en y plaçant des titres aussi imprévus que La Belle de Gaza de Yolande Zauberman, ou Une famille de Christine Angot, il ratisse large. Ne soyons pas pessimiste : on verra plus loin que le jeune cinéma hexagonal manifeste quelques frémissements de bon augure.
Mais il n’y a pas que le cinéma français au programme. Un peu de patrimoine choisi, entre cette trop rare désormais Dame au petit chien qui jadis nous enchanta, due à Iossif Kheifitz, à la filmographie longue comme le bras, dont on ne connaît que Le Député de la Baltique (1936), quelques pages pour rappeler que dans sa période muette, Alfred Hitchcock était déjà lui-même et de part en part. Enfin une plongée dans l’univers de Richard Quine (merci à la Cinémathèque pour sa récente rétrospective), à travers l’admirable Liaisons secrètes (1960). Et pour prouver que l’actualité nous concerne également, quelques notes sur Bob Dylan, on the road again, dont Un parfait inconnu de James Mangold a permis à plusieurs générations confondues de (re)découvrir la permanence.
Bien que nous ne perdions aucune page en espace publicitaire, il nous a été impossible de caler tous les textes reçus dans ce numéro plein comme un œuf. Dans le n°437 (parution le 25 juin 2025), outre la présentation de tous les films cannois vus là-bas et ailleurs, on trouvera quelques articles intrigants, par exemple une étude sur Federico Fellini dont le titre - La publicité dans le boudoir - nous a interpellés et, via notre experte en cinéma japonais, la réponse, enfin, à la question : qu’est-ce qu’un film taiyozoku ?
Et nous pouvons déjà recommander la lecture d’un nouveau volume de la correspondance de François Truffaut, cette fois aves ses confrères cinéastes, publiée chez Gallimard, sous la toujours vigilante attention de Bernard Bastide. 530 pages qui vaudront d’être recensées.
En attendant, place au tapis rouge.
Lucien Logette
1. "Entretien avec Mario Martone", Jeune Cinéma n°254, mars 1999.
Cinéma français
* Les films français au Festival de Cannes 2025, par Lucien Logette.
Festivals
* Festival des Nuits noires, Tallinn 2024, par Djahane Ambrine Zaïr.
* Festival Itinérances, Alès 2025, par Alain Souché.
Patrimoine
* Notes sur La Dame au petit chien de Iossif Kheifitz, par Enrique Seknadje.
Documentaires
* Cinéma du Réel, Paris 2025, par Nicole Gabriel.
Cinéma & & histoire
* Le soleil se lèvera de Ayat Najafi, par Jean-Michel Ropars.
Cinéma & musique
* Le Cuirassé Potemkine et les guitares de Rhys Chatham, par Nicolas Villodre.
Sur Bob Dylan :
* Un parfait inconnu, par Charles Ficat.
* Quelques publications récentes, par Lucien Logette.
Cinéma expérimental
* Pulsions dansantes du cinéma expérimental, par Nicolas Villodre.
DVD
* Glanures. De Wallace Worsley à Wim Wenders, par Philippe Roger.
* Alfred Hitchcock en dix films, par Francis Guermann.
* Zig-Zig de Laszlo Szabo, par Alexis Leroy.
* Pontcarral, colonel d’Empire, de Jean Delannoy, par Alexis Leroy.
Chercheurs & curieux
* Claude Autant-Lara et la censure, par Claude Autant-Lara.
Livres
* Anouk Grinberg, Respect, par Anne Vignaux-Laurent.
* Didier Griselain, Jacques Feyder ou la quête de l’authenticité, par Alexis Leroy.
* Christophe Chabert & Frédéric Mercier, Steven Soderbergh, vol.1 : Les années analogiques, par Alexis Leroy.
* Blanche Martire, Nono, par Lucien Logette.
Actualités
* Familia, par Gisèle Breteau Skira.
* Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé, par Hugo Dervisoglou.
* Fragments d’un parcours amoureux, par Gisèle Breteau Skira.
* Ghostlight, par Claudine Castel.
* La Chambre de Mariana, par Gisèle Breteau Skira.
* Une chronique américaine, par Francis Guermann.
* L’Effacement, par Sylvie L. Strobel.
* Accident domestique, par Jean-Max Méjean.
* Ingeborg Bachmann, par Gisèle Breteau Skira.
Divagations
* Adorables voisins, par Patrick Saffar.