par Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°20, février 1967
Sélection officielle En compétition du Festival international du film de Moscou 1965
Oscars 1966 de la meilleure actrice, du meilleur scénario, et des meilleurs costumes
Sélection du Cinéma de la plage au Festival de Cannes 2025
Sorties les mercredis 7 décembre 1966 et 18 juin 2025
Darling raconte l’ascension d’une cover-girl. Découverte dans la rue par un reporter de la BBC qui en fait son amie et sa collaboratrice - le reporter, c’est Dirk Bogarde, la fille, c’est Julie Christie -, elle devient la maîtresse d’un acteur, pose pour des films publicitaires, puis pour des marques de lessive, et finit comme épouse d’un prince italien. La séquence finale nous la montre fuyant son palais florentin pour retrouver son premier ami. Après une nuit, celui-ci la reconduit à son avion, un peu triste mais prête à jouer son rôle d’épouse irréprochable.
Tandis que se déroule la série des épisodes de la vie de Darling, sa voix en off raconte une version légèrement décalée à une journaliste de la presse du cœur. Le film est merveilleusement joué, brillant, rapide, spirituel. Il laisse pourtant insatisfait par son absence de vigueur critique. John Schlesinger montre bien ces "belles images" telles que nous les offrent les magazines, les actualités, les affiches. Jamais la dégradation subie par le public, par la vedette ni par la machine à fabriquer les images.
Darling semble n’avoir aucune conscience. Ses peines de cœur sont juste assez pathétiques pour donner lieu à des "confidences" publiques. Sans doute est-ce là le sujet du film ? On souhaiterait alors en savoir plus long sur cette fille "vachement existentialiste" qu’elle était avant.
Sur le mécanisme même du spectacle, rien ou presque rien : une parodie assez mince de film publicitaire. Seule témoigne du regard critique de John Schlesinger la faune mondaine qui entoure Darling. Bien sûr, il est toujours plaisant d’entendre les grosses milliardaires parler des petits Indiens en mangeant du caviar, et de voir de gros industriels acheter les jambes de Darling pour lancer leur marchandise. Mais le couplet connu sur les galeries d’art snobs l’est déjà moins et les blagues sur les homosexuels ne remplacent pas une réflexion sur l’art abstrait ou pop.
Finalement la seule profondeur du film tient peut-être à cette scène très courte de bonheur, où Darling écoute son ami le reporter faire une interview d’un vieil écrivain. Elle l’avait accompagné pour la première fois dans son travail. La mort du vieil homme à la fin du film, la tristesse de Dick Bogarde semble bien indiquer la nostalgie d’un vrai travail.
Il est difficile de ne pas penser alors à la merveilleuse séquence de Vie privée (1962), où Louis Malle, moins pessimiste que John Schlesinger, montrait le travail d’une équipe de jeunes intellectuelles répétant Katerine de Heilbronn dans les rues de Spolète, et Brigitte Bardot apaisée, retrouvant à la fois le contact des gens de la rue et le goût de la beauté.
Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°20, février 1967
Darling chérie (Darling). Réal : John Schlesinger ; sc : J.S., Frederic Raphael & Joseph Janni ; ph : Kenneth Higgins ; mont : Jim Clark ; mu : John Dankworth ; cost : Julie Harris. Int : Julie Christie, Laurence Harvey, Dirk Bogarde, José Luis de Villalonga, Roland Curram, Basil Henson, Helen Lindsay, Jean Claudio, Hugo Dyson, Georgina Cookson, Alex Scott, Angus McKay, Umberto Raho, Ernest Walder, Brian Moorehead, Annette Carell (Grande-Bretagne, 1965, 128 mn).