JC 437-438 été 2025
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JC 437-438 été 2025

publié le mardi 1er juillet 2025

Couverture : Hanna Heckt, The Sound of Falling (Mascha Schilinski, 1960)

Quatrième de couverture : Marc-Gilbert Guillaumin, dit Marc’O (1927-2025)

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ÉDITO JC n°437-438, été 2025

 

Le 11 juin 2025, ont disparu simultanément Daniel Vogel (1938-2025 et Marc’O (1927-2025).
Le premier était un ami, souvent évoqué dans les pages que la revue a consacrées aux films de Pierre Prévert (1906-1988). On trouvera, en page 156, les quelques lignes écrites dans l’urgence pour saluer sa mémoire, en attendant plus et mieux.
Le second était un agitateur, cinéaste et homme de théâtre, un contemporain capital pour qui s’intéresse aux mouvements d’avant-garde du dernier siècle. Il aurait été à peu près oublié aujourd’hui, à 98 ans, on peut le comprendre, si les excellentes éditions Allia n’avaient publié il y a quelques mois, L’Art d’en sortir, un livre d’entretiens avec Gérard Berréby, accompagné d’un roman inédit des années quarante, Délire de fuite. Jeune Cinéma, toujours en avance sur l’actualité des marges, avait offert, grâce à Nicolas Villodre qui avait recueilli ses propos, une dizaine de pages à Marc-Gilbert Guillaumin il y a presque cinq ans (1) - la seule apparition du nom de Marc’O dans une revue de cinéma depuis 1986 - merci, Calindex. Nous reviendrons dans notre numéro d’automne sur ces deux ouvrages et les quelques films, heureusement accessibles, qu’il a réalisés.

Le Festival de Cannes n’est déjà plus qu’un souvenir, la montée des marches ayant depuis été remplacée dans les breaking news par quelques conflits supplémentaires bien horrifiques. Jafar Panahi n’a pas choisi le meilleur moment pour revenir en Iran avec sa Palme d’or toute fraîche. Où en sera la planète le 12 mai 2026, lorsqu’ouvrira la 79e édition du festival ? On préfère ne pas y penser. Pierre Desproges avait raison : "Vivons heureux en attendant la mort".
Pour une fois, comme le souligne Patrick Saffar dans sa présentation, l’événement s’est déroulé sans scandales et, ce qui constitue une rareté, le palmarès n’a pas suscité la bronca habituelle. Il faut reconnaître que tous les films qui le méritaient ont été récompensés - à l’exception, point de vue personnel, de ceux de Mario Martone, Fuori, et de Sergueï Loznitsa, Deux Procureurs, que l’on aurait aimé voir décrocher le prix du scénario, plutôt que Jeunes mères, des frères Dardenne, dont l’intérêt réside ailleurs. Mais il est fort plaisant de voir apparaître parmi les lauréats des noms nouveaux, tels Oliver Laxe, Mascha Schillinski ou Bi Gan - la relève est assurée.

Comme nous l’avions prévu dans notre précédent numéro, la sélection française n’a pas brillé d’un éclat très vif. Reflet d’un cinéma prolifique, correct, sans rien qui fâche ni ne secoue - si l’on se souvient qu’en 1973 la France proposait La Grande Bouffe et La Maman et la Putain, on ne peut que constater la régression ; une régression non pas due au manque d’audace des sélectionneurs, mais à celui des produits. Quel producteur oserait aujourd’hui soutenir des projets aussi porteurs de désordre que ceux de Marco Ferreri ou de Jean Eustache ? Seul le film de Hafsia Herzi, La Petite Dernière, a émergé, comme nous l’avions prévu, grâce à l’interprétation, effectivement remarquable pour une non-professionnelle, de Nadia Meliti. Quant au reste, après un gentil film d’ouverture, Partir un jour de Amélie Bonnin, au parfum vite évaporé, Dossier 137 de Dominik Moll a été accueilli, comme on pouvait s’en douter, avec politesse et sans grand émoi, et Alpha de Julia Ducournau jugé, si on en croit l’aréopage de critiques qui distribuent quotidiennement leurs étoiles dans Le Film français, comme le plus mauvais titre de la compétition - huit points noirs sur quinze, un record.

La sélection de la section Un Certain Regard s’en tire un peu mieux. Certes, L’Inconnu de la Grande Arche n’est pas un film visionnaire, mais Stéphane Demoustier a traité avec justesse et solidité un sujet inédit, ce qui n’est pas le cas de Hubert Charuel. Son Météors est passé sous les radars - il est vrai que, question aventures immobiles, Petit paysan développait un charme indéniable que l’on ne retrouve pas dans les pérégrinations minuscules de ses anti-héros bragards (2). Anne Cazenave Combet, avec Love Me Tender, a trouvé plus d’écho que nous ne le pensions, assurément grâce à la performance de Vicky Krieps, qui, malgré qu’on en ait, force toujours l’attention. On s’étonnera de ne pas trouver dans les films recensés ni celui de Hafsia Herzi, ni celui de Louise Hémon, L’Engloutie. Mais les projections cannoises s’apparentent souvent à un sport de combat à livrer contre la réservation informatique et certaines projections ont ainsi échappé à nos envoyés sur le front. Mais comme il s’agit des deux meilleurs films français de la décade, nous y reviendrons plus longuement le moment venu - en particulier sur le second (sortie le 24 décembre 2025).

Cannes n’est pas tout. La preuve, le reste de ce numéro, consacré à un cinéma intemporel. À notre connaissance, aucune revue ne s’était encore intéressée aux taiyozoku, ces blousons dorés japonais des années 1950 et à leur brève floraison filmée. À l’exception de Bernard Chardère (Jeune Cinéma n°336-337, avril 2011), personne, depuis trois décennies, n’avait évoqué Charles Spaak, scénariste sans lequel le cinéma français n’aurait pas été ce qu’il fut. Alexandre Arnoux, brillant romancier-critique-scénariste des années 1920 à 1960, séjourne aujourd’hui dans un purgatoire d’où nous espérons l’extraire un jour. Et si l’ami Ettore Scola n’est pas encore oublié, le temps s’écoule vite, et revenir de façon érudite sur La Nuit de Varennes (1982) n’est pas inutile pour entretenir la flamme.

Outre les titres abordés dans notre rubrique Livres, p. 144, impossible de ne pas emporter cet été l’impressionnant monument à Sam Peckinpah élevé par Gérard Camy (3) - et pas seulement pour caler les serviettes sur la plage, grâce à ses 844 p. Il s’agit de l’ouvrage définitif sur l’auteur de Pat Garrett & Billy the Kid, digne des grandes biographies d’auteurs, signées Todd Mc Carthy, Joseph McBride ou Patrick McGilligan. Qu’on se le dise.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°437-438, été 2025

1. "Entretien avec Marc’O", Jeune Cinéma n° 404-405, hiver 2020.

2. Nom des habitants de Saint-Dizier.

3. Sam Peckinpah, le rebelle mélancolique , Institut Lumière/Actes Sud, 2025.

 

SOMMAIRE JC n°437-438, étéi 2025

 

 
Cannes 2025
 

* Présentation, par Patrick Saffar.

 
Cannes à Paris
 

* Being Bo Widerberg, par Frédérique Lambert.

* Enzo, par Lou Leoty.

* Jeunes mères, par Jean-Max Méjean.

* Mission : impossible, par Jean-Max Méjean.

* Partir un jour, par Jean-Max Méjean.

* The Phoenician Scheme, par Jean Gouny.

* Le Rire et le Couteau, par Frédérique Lambert.

* La Venue de l’avenir, par Francis Guermann.

 
Le Festival
 

* De The 6 Billion Dollar Man à La Vie après Siham, par Gisèle Breteau Skira, Gérard Camy, Hugo Dervisoglou, Frédérique Lambert, Lou Leoty, Lucien Logette, Jean-Max Méjean, Patrick Saffar, Sylvie L. Strobel.

 
Du monde entier
 

* Les taiyozoku à l’écran, par Andrea Grunert.

 
Documentaires
 

* Festival Jean Rouch 2025, par Nicole Gabriel.

 
Patrimoine
 

* Sur Charles Spaak, par Claude Gauteur.

* Les scénarios de Charles Spaak, par Lucien Logette.

 
Cinéma & histoire
 

* Le fantôme de la monarchie dans La Nuit de Varennes
de Ettore Scola, par Jean-Michel Ropars.

 
DVD
 

* Chronique du printemps 2025, par Jérôme Fabre.

* Glanures DVD. De Yasujiro Ozu à Alan Rudolph, par Philippe Roger.

* Les films de Nicolas Burlaud, par Anita Lindskog.

* Deux films de David Cronenberg, par Gérard Camy.

* Vivre en paix de Luigi Zampa, par Enrique Seknadje

* L’Opération diabolique de John Frankenheimer, par Alexis Leroy.

 
Chercheurs & curieux
 

* Retour sur Alexandre Arnoux, par Lucien Logette.

* "J’ai vu, enfin, à Londres, un film parlant…", par Alexandre Arnoux.

* Du côté d’E.T.G., par Lucien Logette.

* "L’art muet bavarde…", par Edmond Gréville.

 
Actualités
 

* Au rythme de Vera, par Jean-Max Méjean.

* A New Old Play, par Nicole Gabriel

* Les Amants astronautes, par Anita Lindskog.

* Life of Chuck, par Francis Guermann.

* Rock Bottom, par Jean-Max Méjean.

 
Mise au point
 

* Le malheur de Claude Autant-Lara, par Laurent Bourdon.

 
Livres
 

* Armand Hennon, François Truffaut, la passion des seconds rôles, par Patrice Bougon.

* Esther Kinsky, Voir plus loin, par Francis Guermann.

* Jean-Max Méjean, La Traversée de Paris, par Alexis Leroy.

* Jacques Demange, Denzel Washington, en toute(s) conscience(s), par Gérard Camy.

* Julius M. Stein, Apportez-moi la tête de John Huston, par Alexis Leroy.

 
Nécrologie
 

* Daniel Vogel, par Lucien Logette.

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