par Anita Lindskog
Jeune Cinéma n°437-438, été 2025
Sélection officielle du Festival international de San Sebastián 2024
Sortie le mercredi 2 juillet 2025
Marco Berger (né en 1977), cinéaste argentin considéré comme un héritier de Éric Rohmer, développe depuis quinze années, au travers de ses dix-huit titres, courts et longs, un univers personnel, construit en particulier sur les relations de séduction par la parole incarnée avec une distance intellectualisée. Los amantes astronautas entre en écho avec son premier long métrage Plan B (2009), en reprenant une intrigue identique, tout en situant les deux personnages principaux dans autre espace-temps, celui de la nouvelle société argentine aujourd’hui.
Pedro, un jeune homme ouvertement gay, est invité, à son retour d’Espagne, chez des amis pour quelques semaines de vacances au bord de la mer sur la côte argentine. Il y retrouve Maxi, un ancien camarade de classe, pas revu depuis des années. Découvrant la présence de son ex-petite amie dont il est encore très amoureux, Maxi tente alors de la rendre jalouse en lui faisant croire qu’il est en couple avec Pedro. Bien qu’il soit hétérosexuel, la montée du désir entre eux ne cesse de croître, tandis qu’ils cherchent à le cacher, et peut-être à l’accepter ?
Dans un jeu constant avec ses personnages, leurs sentiments, leurs tensions amoureuses, leurs attirances implicites, Marco Berger offre dans cette comédie romantique de subtils dialogues qui rythment sa mise en scène, de construction assez classique. Son film débute par la rencontre de deux amis d’enfance, se poursuit par l’apparition d’un élément perturbateur qui va les rapprocher et les amener à jouer un jeu dangereux, déclenchant toute une série de situations humoristiques. Et dans ce jeu de séduction faussement innocent, sans cesse en lien avec l’enfance, le trouble s’installe dans la relation, jusqu’à la découverte émancipatrice de l’amour en dehors des codes hétérocentrés.
La force du film réside dans l’installation progressive du temps, afin de montrer et faire vivre l’évolution de la relation entre les deux protagonistes, incarnés par les comédiens solaires que sont Lautaro Bettoni (Maxi) et Javier Orán (Pedro). Peu à peu, se créent des liens invisibles, entre les jeux, l’humour, les bavardages, les répétitions, le frôlement des corps. L’expression des désirs sexuels est ici très explicite entre eux, et ce, dès le début. Ainsi l’histoire enfantine de Pinocchio devient une métaphore sexualisée évoquant la force quasi libératrice d’entrer dans la communauté queer.
L’évolution des désirs est présentée sous forme de jeux destinés à se séparer de l’enfance, puis entrer dans l’âge adulte, où l’amitié va se prolonger pour nourrir l’amour, sur lequel seule une histoire entre deux individus peut naître et s’installer durablement, en dehors de l’attraction sexuelle. Pour Marco Berger, tous les êtres humains sont fluides, c’est-à-dire non-assignés à une orientation sexuelle ou amoureuse. Cela s’inscrit dans son questionnement général sur comment et jusqu’où l’individu peut se situer sur l’échelle de l’amour. Et c’est bien le cœur de ce film où un être va doucement basculer vers ce qu’il ressent au plus profond…
Anita Lindskog
Jeune Cinéma n°437-438, été 2025
Les Amants astronautes (Los amantes astronautas). Réal, sc, mont : Marco Berger ; ph : Mariano da Rosa ; mu : Pedro Irusta. Int : Lautaro Bettoni, Javier Orán, Iván Masliah, Agustín Frías, Mora Arenillas, Ailín Salas (Argentine-Espagne, 2024, 116 mn).