par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection officielle Hors compétition de la 75e édition de la Berlinale 2025
Grand Prix du Festival du film policier de Reims 2025
Sortie le mercredi 2 juillet 2025
Après Oh Boy en 2012, son premier long métrage, Jan-Ole Gerster, ex-assistant de Wolfgang Becker pour Goodbye Lenin ! en 2003, nous livre ici un troisième long métrage raffiné et maîtrisé.
Islands est une présentation de la solitude qui peut toucher les hommes, même s’ils sont en couple. "Nul homme n’est une île", avait écrit le poète John Donne, et ce vers semble s’adapter particulièrement au trio qui se forme dans un club de vacances aux Canaries, non seulement parce que le film se déroule dans l’île de Fuerteventura, mais justement parce qu’il narre, de manière psychologique et à la façon d’une enquête policière, une sorte de huis clos quasiment hitchcockien, complété par la présence blonde d’une Stacy Martin utilisée comme clone de Tippi Hedren, mâtinée de Kim Novak.
Le réalisateur annonce la couleur : "J’ai toujours été fasciné par les personnages qui dégagent un air de solitude, de mélancolie. Ils sont souvent passifs, avec une tendance à l’autosabotage et ils ont soif de changement et d’intimité". Et le film a bien su donner vie à cette sensation, surtout, pour commencer, par le personnage de Tom, interprété par Sam Riley, moniteur de tennis dans un club de vacances, qui se lie nolens volens à une petite famille en crise.
Tom se tient à l’écart des autres, dort sur le sable ou dans sa voiture après une nuit de biture, avec un faux air de Brad Pitt déglingué. Sa route croise enfin celle d’Anne et de son fils Anton (très belle interprétation du jeune Dylan Torrell), auquel il accepte de donner des cours de tennis. Cela les rapproche, au détriment du mari d’Anne, Dave, un peu déséquilibré à qui Jack Farthing prête sa dégaîne un peu hautaine et cependant fragile.
Rien de bien nouveau au niveau du scénario, certes, sauf que la disparition du mari fait passer le film à un autre niveau, sorte d’enquête policière menée d’abord par la police locale, nonchalante, puis par la nationale avec un inspecteur qui se la joue un peu Columbo… Pour mener à bien ce projet inondé de soleil et de reflets sur les eaux de l’Atlantique, l’image de Juan Sarmiento Grisales et la musique de Dascha Dauenhauer apportent charme et mystère à ce film qui fait montre d’un talent incontestable. Tout le suspense vient du non-dit sentimental et social qui l’émaille de bout en bout.
Jan-Ole Gerster n’avait pas prévu de réaliser un film noir, mais pendant le travail sur la structure du film, il s’est redu compte, qu’il y en avait tous les ingrédients, "un héros au bout du rouleau, un mari qui disparaît, un inspecteur de police qui mène l’enquête et une femme impossible à décoder, aux intentions énigmatiques".
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe
Islands. Réal : Jan-Ole Gerster ; sc : J.O.G., Blaz Kutin & Lawrie Doran ; ph : Juan Sarmiento Grisales ; mont : Antje Zinga & Matthew Newman ; mu : Dascha Dauenheuer. Int : Sam Riley, Stacy Martin, Jack Farthing, Dylan Torrell (Allemagne, 2024, 123 mn).