par Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe
Tournée d’avant-premières en salles entre mai et juin 2025
Sortie sur Internet le mercredi 2 juillet 2025
Un Roman national est le premier long métrage réalisé, écrit, interprété et autoproduit par Bixente Volet (1). Le film aborde le thème de la stratégie des prises de pouvoir par les partis et organisations d’extrême droite en France.
Damien Cordonnier, un jeune homme de vingt deux ans, originaire de la Sarthe (Le Mans), est venu à Paris étudier la philosophie. Ce solitaire, obsédé par des idéaux virilistes et chauvinistes présente bien et s’exprime avec aisance. Damien devient militant du groupe identitaire "Barrière nationale". Il veut absolument agir pour la France, voire laisser son nom dans l’Histoire.
Adolescent, Damien s’est nourri aux vidéos masculinistes de Papa Pierre, un influenceur passionné de chasse et qui milite au travers de ses vidéos YouTube pour le libre port de l’arme à feu et le retour à la peine de mort. C’est sur un ton faussement humoristique que Papa Pierre déverse une puissante idéologie politique. Autoproclamé "mâle alpha", il se révèle dans la réalité bien différent de l’image qu’il renvoie sur internet. Ils se retrouvent au sein de Barrière nationale, qui se proclame comme le dernier rempart contre "le grand remplacement", dirigé par Cédric Auclair. Ce dernier, un raciste assumé en privé, est le chef de meute du groupe. Il mise sur les élections de 2027 pour obtenir un poste au sein de n’importe quel gouvernement d’extrême-droite et se propose de diffuser les pensées ultra nationalistes à travers des stratégies de communication malines, subtiles et surtout, islamophobes. Il prend Damien sous son aile, voyant en lui un potentiel allié de taille.
Et c’est alors que Paris étouffe sous un record de chaleur, en ce 24 juin, que Damien se rend dans une Mosquée et tire sur onze personnes. Il est arrêté le soir même, et la presse s’emballe, avance des spéculations sur les raisons personnelles de cet acte… Mais qui est vraiment responsable ? C’est tout un questionnement sur la compréhension générale de ce parcours de radicalisation identitaire et ultra violente qui est ici exploré. Cette quête correspond aux recherches du réalisateur lui-même sur la sphère identitaire et fasciste au travers des groupes et sur les réseaux sociaux depuis 2017. Du reste, il interprète Damien afin de donner plus de crédibilité à son personnage principal. Au delà, le film investigue le champ proprement politique (au sens bourdieusien). Loin des explications psychologisantes ou des caricatures, le récit proposé est conçu comme une donnée incontournable d’une situation qui se diffuse dans les pores de la société et imprègne le pays depuis des décennies.
En phase de travail, le film a eu pour titre Le Péril Blanc. Ce titre évoque bien la construction médiatico-politique en place qui est une affaire d’hommes blancs déconnectés des réalités. La scène du journaliste présentant la météo est à cet égard éclairante sur la violence intrinsèque de tout ce système et des hommes qui le maintiennent. Ne serait-il pas temps de proposer un système un plus juste, plus populaire et ancré dans la réalité ? La séquence qui met en scène un groupe de gauche antifasciste offre un contre-miroir de l’extrême droite. Quand les néo-fascistes réagissent et s’organisent dans un refus de questionnements éthiques et moraux et une pratique verticale jamais remise en question, les militants de gauche passent beaucoup de temps à réfléchir pour passer à l’action. L’enjeu de la séquence est multiple : le questionnement sur l’opposition que la gauche fait parfois entre théorie et action, le fait de parler ouvertement de l’extrême droite et comment, la nécessité d’un cadre égal de débats donc hors des médias dominants. Enfin, le groupe antifasciste montré n’est pas exempt d’idées misogynes, de violences niées et le caractère masculin domine…. le péril blanc est partout semble nous dire le film. Outre le fait que le sujet de l’extrême-droite en France a été très peu montré à l’écran, il y a lieu de s’interroger sur la manière dont sont dépeints et caricaturés les individus appartenant à ces mouvances dans les quelques fictions existantes - souvent instables psychologiquement, ultra-violents, initiés chez les hooligans ou skinheads… Le cinema français véhicule sur ce sujet les poncifs les plus éculés.
Un roman national se comprend comme un geste militant dans l’intégralité de la démarche proposée (du geste cinématographique à la diffusion), et fait écho au film documentaire La Cravate (2). Il a le grand mérite d’aborder ce thème en explorant de l’intérieur un groupe d’extrême droite, en décrivant les politiques et les idées qui construisent des parcours de radicalisation. Initialement autoproduit, le film a été repris en fin de post-production par la société de production CHS Films, qui a accompagné l’autodiffusion du film. Le choix de travailler sans distributeur garantit l’indépendance. Cette liberté a permis de proposer une phase de communication inventive et pédagogique émaillée d’entretiens avec plusieurs spécialistes de l’extrême droite qui ont été publiés sur YouTube (3). Le film a fait l’objet d’une vingtaine de projections dans des villes françaises. Il est désormais en libre accès à compter du 2 juillet 2025, sur YouTube, dans une logique de diffusion du cinéma à bas prix ainsi que défendu par l’association Sabotage fabrication (4).
Anita Lindskog
Jeune Cinéma en ligne directe
2. La Cravate de Mathias Théry & Étienne Chaillou (2020). À travers une forme singulière qui fait appel à la littérature, le film retrace le quotidien de Bastien Régnier, jeune militant du Front national lors de la campagne 2017.
3. "Entretien entre Bixente Volet et Cédric Lepine", Mediapart, 20 juin 2025.
Un roman national. Réal, sc : Bixente Volet ; ph : Valentin Juhel ; mont : Maude Girard ; mu : Maximilien Galatola. Int : Bixente Volet, Alexis Vandendaelen, Nicolas Jean Pierre Sorais, Mathilde Wislez, Luc Clementin, Corentin Deletoile, Carl Vervier (France, 2023, 75 mn).