Le film de Jean Pierre Thorn décrit un cas exemplaire de "différence". C’est celui de Babou, un jeune beur clandestin à vie, revenu à Dugny après huit mois d’exil forcé en Tunisie, et relevant de la procédure de la double peine. Une peine de quatre ans de prison infligée à un gamin de 17 ans.

Jean-Pierre Thorn remonte à l’enfance de Babou, mascotte à 6 ans des célébrités hip hop, quand la totalité des jeunes de la cité, toutes couleurs confondues, se retrouvait dans l’espoir d’un avenir. Babou, à 6 ans, était un "créatif". À 17 ans, il survivait au chômage en faisant du "bizness". À 23 ans, il repart à zéro, et fait de sa protestation, du rap et du hip hop encore maladroit.

Toute la partie consacrée à l’enfance est faite des souvenirs de Babou, de la zone verte disparue, des parties de ballon et des jours de classe, et d’interviews des grands "hip-hopiens" des années 1980. Des extraits de France 3 montrent la sidérante maîtrise acrobatique et inventive de l’enfant. Les entretiens donnent à voir comment naît une communauté solidaire, fière du succès d’un des leurs, sous l’œil étonné des parents. Le regard au présent est celui du père, un artisan toujours passionné par son travail et qui ne comprend rien au hip hop, mais savait à l’époque qu’on lui cachait les bêtises de Babou et ses pratiques du "bizness".

Ce que ne peut pas restituer un compte-rendu, c’est l’authenticité des voix, du ton, des rythmes des phrases, des groupements de mots. Ce n’est pas du rap mais une langue nouvelle qui est en train de naître. Le film de Jean-Pierre Thorn est un film-action, un film à soutenir, pour qui veut défendre l’existence de la démocratie.

Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°284, septembre-octobre 2003

On n’est pas des marques de vélo. Réal, sc : Jean-Pierre Thorn ; ph : François Khunel & Aurélien Devaux ; mont : Janice Jones ; mu : D’Okta, DJ Namok. Avec Bouda, Sidney Duteil, Kool Shen, Jimmy Kiavué, Gabin Nuissier, Pascal-Blaise Ondzie, Stéphane Maugendre (France, 2002, 89 mn). Documentaire.