Claudia Cardinale (1938-2025) est morte avant-hier le 23 septembre 2025.
Elle est née à Tunis. Sa famille était arrivée de Sicile au 19e siècle, la Tunisie était alors sous protectorat français, et, chez elle, on parlait le français, pas l’italien. Au départ, elle voulait être institutrice, et enseigner dans les oasis du Sud du pays. Et elle a mis du temps à s’intéresser au cinéma. Mais, quand elle a eu 18 ans, c’est le cinéma qui s’est intéressé à elle.
D’abord, en 1956, René Vautier (1928-2015), pour tourner un court métrage sur les petits pêcheurs, était allé chercher les jolies filles dans le écoles. Dans Les Anneaux d’or, elle apparaît, figurante dans une groupe de femmes arabes. Le film sera porté au crédit de Mustapha Alfarissi afin qu’il puisse concourir comme film tunisien à la Berlinale 1958, où il obtient l’Ours d’argent.
Puis Jacques Baratier (1918-2009) était venu tourner son premier film en Tunisie : Goha (1958), et l’avait engagée, aux côtés de Omar Sharif (1932-2015), où elle a une petite scène. Le film est sélectionné en compétition au Festival de Cannes 1958, où il obtient le Prix Premier Regard.
À un gala de bienfaisance, élue la plus belle fille de Tunisie, elle avait gagné un voyage pour le festival de Venise, en vacances. Elle ne parle pas un mot d’italien, elle passe pour une starlette et on lui propose de faire du cinéma.
Elle obtient une bourse pour aller à Rome apprendre le métier et son père l’envoie au Centro sperimentale di cinematografia. Mais elle y reste 2 mois, ignore toutes les propositions de contrat. À Noël, elle a le cafard et retourne au pays, chez sa mère. À 20 ans, enceinte d’un homme plus vieux, qu’elle accusera plus tard de l’avoir violée, elle ne trouve que la solution de partir pour Rome, en acceptant un contrat proposé par le producteur Franco Cristaldi (1924-1992). Il la prend sous son aile, et, en gérant complètement sa carrière à Cinecittà (et sa vie avec l’enfant à naître, qu’on fera passer pour son petit frère), il fabrique une concurrente à Sophia Loren (née en 1934) et Gina Lollobrigida (1927-2023).
Dès son premier film à Rome, Le Pigeon (I soliti ignoti) de Mario Monicelli (1958) sa carrière est lancée. Elle y a un petit rôle, aux côté de Vittorio Gassman (1922-2000) et Renato Salvatori (1933-1988), mais le film est nommé aux Oscars 1959.
Suivent ensuite des années pendant lesquelles elle ne cesse de tourner chaque année.
Jusqu’à 5 films en 1959, notamment avec Luigi Zampa (1905-1991), Alberto Cavalcanti (1897-1982) et Pietro Germi (1914-1974).
En 1960, 4 films dont son premier film avec Luchino Visconti (1906-1976), où elle a un rôle secondaire : Rocco et ses frères (Rocco e i suoi fratelli), Grand prix du jury de la Mostra de Venise 1960.
Et aussi son premier film avec un réalisateur français, un des derniers films de Abel Gance (1889-1981), Austerlitz. Et surtout Le Bel Antonio (Il bell’Antonio) de Mauro Bolognini (1922-2001) où elle a le premier rôle, avec Marcello Mastroianni (1924-1996).
En 1961, elle n’a que 23 ans, et elle a déjà, derrière elle, 14 films. Cette année-là, elle est à l’affiche du Festival de Cannes, avec deux films italiens, Le Mauvais Chemin (La viaccia) de Mauro Bolognini.
Et La Fille à la valise (La ragazza con la valigia) de Valerio Zurlini, avec Jacques Perrin (1941-2022) qui a 20 ans mais qui a toujours l’air d’un gamin de 16 ans.
En 1962, 2 films dont Cartouche de Philippe de Broca.
En 1963, elle tourne dans 3 films importants, pas seulement pour elle.
Huit et demi (Otto e mezzo) de Federico Fellini. Comme elle parlait mal l’italien, elle était toujours doublée dans ses films italiens. Mais dans ce film, elle joue son propre rôle, on lui garde sa voix un peu rauque. Elle dira plus tard que c’est grâce à Federico Fellini qu’elle est devenue elle-même, et acceptée comme telle.
Elle tourne aussi le film qui est probablement le sommet de sa carrière : Le Guépard (Il gattopardo) de Luchino Visconti.
Et, enfin, à Hollywood, La Panthère rose (The Pink Panther) de Blake Edwards. C’est le premier d’une série de huit films, et elle jouera également dans le dernier de la série, 30 ans plus tard, Le Fils de la Panthère rose (1993).
En 1964, elle tourne 4 films dont Le Plus Grand Cirque du monde (Circus World) de Henry Hathaway (1898-1985) avec John Wayne (1907-1979).
En 1965, elle tourne 2 films, dont, pour le 3e fois avec Luchino Visconti, Sandra (Vaghe stelle dell’Orsa).
En 1966, elle finit par épouser Franco Cristaldi, qui adopte son fils Patrick et elle tourne 3 films, dont Les Professionnels (The Professionals) de Richard Brooks (1912-1992), où elle retrouve Burt Lancaster (1913-1994).
En 1967, elle tourne 2 films. En 1968, elle a 30 ans, et elle tourne 4 films dont l’autre point culminant de sa carrière est Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West) de Sergio Leone (1929-1989), avec l’inoubliable musique de Ennio Morricone (1928-2020).
En 1969, elle tourne 3 films, et en 1970, 1 seul film, mais avec Jerzy Skolimowski. Les Aventures du brigadier Gérard (The Adventures of Gerard) est un film mineur, mais il a une place spéciale dans la carrière du réalisateur.
Après l’interdiction en Pologne de son film Haut les mains (1967) il rejoint Roman Polanski à Londres. On lui propose un projet d’un film historique qui ne l’intéresse pas, qu’il accepte quand même parce qu’il a besoin d’argent. Comme il ne parle pas anglais, le tournage est très dur, et il aurait été renvoyé si Claudia Cardinale n’avait pas menacé de quitter aussi le film s’il partait. Il sera maintenu mais n’obtiendra pas le final cut.
En 1971, elle tourne 4 films, et il faut surtout citer Les Pétroleuses de Christian-Jaque, parce qu’elle a pour partenaire Brigitte Bardot, née en 1934 qui quittera le cinéma en 1973, à 39 ans.
En 1972, elle ne tourne qu’un seul film, et en 1973, 2 films. Mais, en 17 ans, elle aura tourné, sans discontinuer, une cinquantaine de films, jamais une année sans film.
L’année 1974 va représenter un tournant dans sa vie. Elle rencontre le réalisateur Pasquale Squitieri (1938-2017) à qui elle a été imposée par le producteur, sur le tournage de son premier film 1974 : Lucia et les Gouapes (I guappi).
C’est un coup de foudre.
Elle tourne encore un dernier film avec Luchino Visconti, Violence et Passion (Gruppo di famiglia in un interno,) encore une fois avec Burt Lancaster.
Puis elle quitte Franco Cristaldi, pour rejoindre Pasquale Squitieri, qui se trouve aux USA. Elle se sent libérée de l’emprise de son producteur de mari, mais blacklistée à Cinecittà, elle met un peu de temps à retrouver le plateaux.
Elle va tout de même tourner, pendant le reste de sa vie, avec des réalisateurs connus.
En Italie, en 1976 avec Alberto Sordi (1920-2003), en 1978 avec Damiano Damiani (1922-2013) et en 1978, avec Liliana Cavani née en 1933. Et, en 1984 avec Marco Bellocchio, né en 1939, mais dans des films mineurs.
En France, elle tourne dans des films peu importants, ou bien où elle a un rôle mineur dans une distribution pléthorique, ou même carrément des rôles secondaires, entre 1978 et 2020, avec Étienne Périer (1931-2020), José Giovanni (1923-2004), Robert Enrico (1931-2001), Henri Verneuil (1920-2002), Nadine Trintignant, née en 1934, Claude Lelouch né en 1937, Olivier Marchal né en 1958, Aline Issermann née en 1948. Ou, en 1989, dans le malheureux : Hiver 54, l’abbé Pierre de Denis Amar, né en 1946.
On peut toutefois citer Un balcon sur la mer de Nicole Garcia (2010), mais où elle a un rôle secondaire.
À l’étranger, il faut aussi citer en 1982 Werner Herzog, né en 1942, dans Fitzcarraldo, aux côtés de Klaus Kinsky(1926-1991) et Manoel de Oliveira (1908-2015) dans Gebo et l’Ombre (2012).
Elle tourne aussi, évidemment, avec Pasquale Squitieri (dix films), dont aucun des films n’est sorti en France, à part Lucia et les Gouapes. C’est un homme curieux d’ailleurs, qui en 1971, avait soutenu Lotta continua et qui finira par se faire élire sénateur, en 1994, sur les listes d’un parti d’extrême droite.
Claudia Cardinale, de son côté, a toujours adopté des positions politiques marquées par des idées progressistes, Soutien d’Amnesty International, marraine d’une organisation caritative de lutte contre le sida, ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO, ainsi que militante écologiste.
Entre 1956 et 2022, en 66 ans, elle aura tourné dans 128 films et téléfilms, dont un nombre considérable de chefs d’œuvre, essentiellement dans la première partie de sa vie, avec le producteur Franco Cristaldi. et obtenu de très nombreuses récompenses.
Il faut mentionner également le théâtre, auquel elle s’est mis tardivement, après avoir refusé les propositions de Giorgio Strehler (1921-1997) et de Luchino Visconti, en France entre 2000 et 2017.
Bonne lecture
* Claudia Cardinale, Mes Étoiles, Paris, Michel Lafon, 2005.