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Nos jours sauvages (2025)
de Vasílis Kekátos
publié le mercredi 8 octobre 2025

par Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle Génération de la Berlinale 2025

Sortie le mercredi 8 octobre 2025


 


Vasílis Kekátos, après avoir remporté la Palme d’or du court métrage (doublée d’une Queer Palm), au Festival de Cannes, avec La Distance entre nous et le ciel (2019), s’est attelé à son premier long métrage, sélectionné à la Berlinale 2025. Il s’agit d’un projet de longue haleine, qu’il a formé à un âge-charnière entre ses rêves utopiques de jeunesse et ses responsabilités d’adulte.

Le film, un road-movie, conjugue la fiction et le documentaire. Vasílis Kekátos, qui se définit comme "un enfant de la crise", fait le portrait d’une bande de jeunes marginaux, qui sillonnent en van la Grèce continentale laminée par le marasme économique. Ces jeunes, à son image, incarnent la "génération perdue issue de toutes les révolutions précédentes et défaillantes" qui vit ses derniers jours sauvages.


 

Personnage central, Chloé (Daphné Patakia) (1), rompt avec sa famille après une violente dispute. Rebelle désœuvrée, elle refuse d’obéir à son frère (flic de son état) qui a négocié une place de vendeuse dans le magasin où son autre sœur est caissière. Elle croise à une station-service un groupe de jeunes qui la tire d’un mauvais pas et embarque à bord de leur camping-car. Si les filles sont affectueuses et solidaires, les garçons se montrent méfiants avant de l’accepter.


 

Au fil de leur pérégrinations le long du littoral, ils aident les familles précaires et se livrent à des expéditions nocturnes pour récupérer chez les usuriers les biens spoliés. La fraternité et la résistance collective soudent le groupe dans sa quête d’une identité en rupture avec la famille et la société. Hormis Chloé et Aris, le propriétaire du van, on ne sait rien des autres personnages. Les séquences nocturnes - quand ils cambriolent ou font la fête - manifestent sur un tempo frénétique leur vitalité exaltée.


 

Elles contrastent avec les séquences où ils traversent, en suivant la mer, des paysages loin des clichés touristiques. Ils rencontrent des familles qui n’ont d’autre issue que de vivre à l’année dans des campings. Un homme parle de la mine dans laquelle il travaillait, où le canari alertait d’un danger imminent. Le versant documentaire tourné avec les habitants est ténu.


 

Saluons le travail sur la lumière de Yorgos Valsamis : les plans sur des plages désertes, la mer couleur de pierre opale évoquent en creux Theo Angelopoulos (1935-2012). Le scénario, qui tente de se relancer par un bref conflit factice entre Chloé et les autres, est mince, et semble traduire le désarroi, l’impuissance face au projet initial, qui était de faire une fiction politique. Le film s’achève avec Chloé, étendue sur la neige, disant à son amie qu’elles sont des fantômes - constat désenchanté d’être invisibles dans un monde sans perspectives.

Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Daphné Patakia a déjà été largement appréciée dans Djam de Tony Gatlif (2017), Meltem de Basile Doganis (2019), et Benedetta de Paul Verhoeven (2021).


Nos jours sauvages (I agries meres mas). Réal, sc : Vasílis Kekátos ; ph : Yorgos Valsamis ; mont : Lambis Charalambidis ; mu : Kostis Maraveyas ; cost : Eva Goulakou. Int : Daphné Patakia, Nikolakis Zegkinoglou, Stavros Tsoumanis, Popi Semerlioglou, Natalia Swift, Ioko Kotidis, Eva Samioti, Emmanuel Elozieuwa (Grèce-France-Belgique-Allemagne, 2025, 90 mn).



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