home > Films > Ce que cette nature te dit (2024)
Ce que cette nature te dit (2024)
de Hong Sang-soo
publié le mercredi 29 octobre 2025

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle En compétition de la Berlinale 2025

Sortie le mecredi 29 octobre 2025


 


Après trois ans de vie en couple, Junhee amène pour la première fois son compagnon Donghwa, un poète fils de poète, à la maison de campagne familiale pour qu’il y rencontre son père, sa mère et sa sœur.


 

Fidèle à son habitude, Hong Sangsoo compose son film autour de cette rencontre, en plans fixes, larges et neutres, au sein desquels il observe ses personnages. Et tout son talent d’écriture consiste à faire ressentir au spectateur que, par-delà la politesse et le respect affiché envers leur invité, se dissimule, chez la belle-famille un jugement différent de ce qu’elle laisse entendre. Un jugement qui, et c’est habituel chez l’auteur, percera au cours d’un dîner alcoolisé.


 


 

La particularité de ce moment de bascule consiste en ce qu’il est placé aux trois quarts du film, à la suite d’autres dîners et déambulations durant lesquels le public aura appris à s’attacher à chaque personnage, au point de redouter ce moment de vérité, de rupture, qu’il sait inévitable. Cette asymétrie scénaristique permet donc à Hong Sangsoo de préparer son effet avec soin et d’accentuer le sentiment face à la situation observée, tout ceci étant utile pour permettre de réfléchir au poids du paraître et des conventions sociales.


 


 

Esthétiquement, le réalisateur tourne son film en caméra HD, à l’affichage de trames entrelacées et non-progressives (cela provoque l’effet d’escalier au niveau du contour de certaines formes à l’écran), aux couleurs baveuses en cas de surexposition (ce qui arrive régulièrement), typique des caméras numériques légères du début des années 2010). Ceci donne un aspect maladif à l’image et, couplé au fait que l’on voit peu le ciel dans les plans, fait naître un sentiment de malaise.


 


 

Cet ensemble plastique, assez laid, est contrebalancé par la beauté des cadrages rigoureux dans lesquels prennent place corps et paysages. Et outre le fait que cette laideur visuelle symbolise la vraie nature du rapport se jouant entre les acteurs de cette "dramédie", Hong Sangsoo procède aussi de cette façon, consciencieusement, pour mettre en place un jeu d’échos et de rimes avec le principal sujet de débat des personnages : la poésie. Tout ce qui touche à ce thème revient telle une ritournelle dans les diverses discussions, le jeune homme croyant en l’association pauvreté / simplicité / sincérité, tandis que sa compagne et sa future belle-famille, très bourgeoise, sont en désaccord.


 


 

Les questions du matérialisme, de la richesse, de la raison sont invoquées pour remettre en cause les convictions de cet alter ego qu’est en réalité Donghwa. Car Hong Sangsoo, avec son procédé technique, donne vie à la pensée esthétique du jeune poète en appliquant son mantra : créer de la poésie avec peu. Ce faisant, à travers ses plans neutres, l’auteur parvient à discrètement s’associer au point de vue d’un de ses personnages, donnant ainsi à son film une dimension autoréflexive quant aux raisons d’user d’un cinéma aux moyens faibles, plutôt que des productions normées. L’absence de musique, le thème de la mort, récurrent dans les conversations, accroissent le malaise ambiant. Les acteurs, des habitués du réalisateur, parviennent à amener de l’ironie et de l’humour là où l’on ne s’y attend pas. Ce qui permet d’apporter un bol d’air et de faire intelligemment varier le ton des divers plans-séquence. À voir en toute confiance, pour les amateurs du maître sud-coréen.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe


Ce que cette nature te dit (Geu jayeon-i nege mwolago hani). Réal, sc, ph, mont, mu : Hong Sangsoo. Int : Ha Seong-guk, Kwon Hae-hyo, Jo Yoon-hee, Kang So-yi (Corée, 2024, 108 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts