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Noguez, Dominique I (livre)
Éloge du cinéma expérimental (1999)
publié le lundi 15 janvier 2001

par Alain Virmaux
Jeune Cinéma n°266, janvier-février 2001

Dominique Noguez, Éloge du cinéma expérimental, Éditions Paris-Expérimental, 1999.


 


La biffure sur la page du titre, qui peut surprendre, est très délibérée, et l’auteur s’en explique d’emblée, n’y allant pas par quatre chemins : le cinéma expérimental, dit-il, "c’est le cinéma même". Et d’ajouter : "C’est à partir de lui […] que les autres films doivent se situer, comme c’est à partir de Rimbaud, Cézanne, Bach que doivent se situer les romans de gare, les croûtes de la place du Tertre, les tubes de l’été". D’où le choix, dans le même mouvement, d’exclure / conserver l’épithète "expérimental", en la raturant : ainsi avaient procédé, nous dit-on, Martin Heidegger puis Jacques Derrida pour le mot "être". Cette entrée en matière donne bien le ton du livre : une érudition fabuleuse, tant littéraire ou philosophique que cinéphilique, et un goût non dissimulé pour la provocation, quelquefois farceuse. On n’a pas affaire à une histoire méthodique du cinéma expérimental, mais à son éloge : nouvelle édition, "refondue et augmentée", d’un ouvrage publié il y a vingt ans (1979), grossie en particulier du contenu d’un autre livre, Trente ans de cinéma expérimental en France (1950-1980).

Le projet de Dominique Noguez est de rassembler des matériaux, d’ouvrir des pistes, de révéler des courants, mais pas de tout dire. Ainsi passe-t-il directement du futurisme à l’underground, sans s’arrêter à l’éclosion dadaïste-surréaliste, qu’il n’ignore pourtant pas.
Aucun chapitre non plus sur le cinéma lettriste, bien que Isidore Isou et Maurice Lemaître soient souvent cités. L’auteur, qui n’entendait surtout pas proposer un manuel, préfère "célébrer" (c’est son mot) des œuvres et des cinéastes. Entre autres, Marcel Hanoun, Michel Nedjar, Jonas Mekas, Joseph Morder, Gérard Courant, Boris Lehman…

Ce panorama plaisamment roboratif ne pouvait se refermer sans que Dominique Noguez ne cède quelque chose à sa passion du khânular. On se souvient peut-être qu’il avait naguère argumenté avec le plus grand sérieux en faveur de l’attribution du mot "Dada" à … Lénine (1). Ici, il propose un "épilogue en forme d’utopie : Cannes 1985", qui fut écrit en 1975. En voici les derniers mots : "À la porte de l’hôtel Jean-Vigo (ex-Carlton), deux clochards se disputent un morceau de pellicule : Henri Verneuil et Gérard Oury".
Rappelons enfin que, dans un passé récent, Dominique Noguez a écrit les dialogues de deux films de Jean-Pierre Mocky.

Alain Virmaux
Jeune Cinéma n°266, janvier-février 2001

1. "Lénine, qui se trouvait justement en Suisse à cette époque (1916), pourrait fort bien avoir assisté aux séances du fameux Cabaret Voltaire de Zurich, et y avoir manifesté sa jubilation par d’énergiques "Da ! Da !" in Dominique Noguez, Lénine Dada, Paris, Robert Laffont, 1989.


Dominique Noguez, Éloge du cinéma expérimental, Éditions Paris-Expérimental, coll. Classiques de l’avant-garde, 1999.



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