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Chala une enfance cubaine (2014)
de Ernesto Daranas
publié le mardi 22 mars 2016

par Robert Grélier
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 23 mars 2016


 


Il y a bien longtemps que nous n’avons pas vu de films cubains en France, et il serait impardonnable de notre part de passer sous silence Chala une enfance cubaine, car il est tout aussi révélateur en 2015 de la société de l’île que le furent, au début des années soixante, les films de Tomas Gutierrez Alea et Humberto Solas.
La grande nouveauté de ce film, dans une production entièrement financée par des organismes d’État, dont le célèbre ICAIC, c’est son aspect "poil à gratter".

Chala, jeune garçon de 12 ans, vit seul avec sa mère, laquelle se prostitue pour acheter sa drogue. Si elle le pouvait, elle serait prête à vendre son enfant pour négocier sa dose quotidienne, comme le dit l’un de ses voisins et amant occasionnel, peut-être père de Chala.


 


 

C’est l’enfant qui prend soin d’elle et gagne le peu d’argent nécessaire pour payer les factures, en élevant des chiens de combat. Sans la protection de son institutrice, Carmela, une vieille dame qui a dépassé depuis dix ans l’âge de prendre sa retraite, Chala serait un jeune délinquant.

Il se dégage de ce récit à la trame simple pleine d’émotions, un optimisme chargé d’humour ironique, comme dans la musique cubaine. Aux membres du conseil de direction de l’école, qui demandent à Carmela de prendre sa retraite, celle-ci répond qu’il y en a d’autres au gouvernement de qui on devrait exiger la même chose.


 

La plupart des scènes se déroulent à l’intérieur d’une classe de collège semblable à celle que nous connaissons ici. Les rires, les bagarres, les jalousies et les idylles amoureuses sont les mêmes. Mais ce qui change, c’est tout ce qui se rapporte à la vie collective.

Certes, l’histoire de Chala est importante, mais ce qui a été surtout primordial pour Ernesto Daranas, c’est de montrer comment la société a bien du mal à résoudre les problèmes du quotidien. Si l’analphabétisme a été vaincu dès les premières années de la Révolution, ce n’est pas pour autant que toutes les questions de l’éducation trouvent une solution dans une société basée sur l’uniformisation.


 

Comment est-il possible d’échapper au cycle infernal du placement de Chala en internat, lorsque ses absences en classe sont dues aux difficultés familiales ? Comment un père originaire de province pourrait-il quitter La Havane, sous le seul prétexte qu’il n’est pas autorisé à y vivre ?

Ernesto Daranas n’hésite pas à fustiger les bureaucrates sans cœur, et ceux qui se plient aux ordres avant de penser aux conséquences sur les enfants. Il n’hésite pas non plus à montrer le courage de Carmela qui défie les interdits. Le maintien obstiné par l’institutrice d’une image religieuse apposée par une élève sur le tableau de la classe en est un exemple.
Le regard du réalisateur s’est concentré autour des risques auxquels sont exposés les enfants, quand le contexte de conditions sociales et économiques affecte aussi bien la famille que l’école. Ce que tente Carmela l’institutrice, c’est de créer dans l’école, et à l’extérieur, un dialogue en dehors des normes.
"Un lieu où aucune différence n’est stigmatisée et où chaque enfant peut exprimer ce qu’il pense. On donne à la réalité son vrai visage, et on appelle les choses par leur nom", affirme Ernesto Daranas.

Robert Grélier
Jeune Cinéma en ligne directe (mars 2016)

Chala, une enfance cubaine (Conducta). Réal, sc : Ernesto Daranas ; ph : Alejandro Pere ; mont : Pedro Suarez ; mu : Juan Antonio Leyva, Magda Rosan Galvan. Int : Alina Rodriguez, Armando Valdés Freire, Silvia Aguila, Yuliet Cruz, Amaly Juco (Cuba, 2014, 108 mn).

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