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Démons (les) (2015)
de Philippe Lesage
publié le mardi 13 septembre 2016

par Thomas Coster
Jeune Cinéma, n° 375-376, automne 2016

Sortie le mercredi 14 septembre 2016


 


C’est avec sa veine de documentariste que Philippe Lesage aborde son premier long métrage, où l’on observe le jeune Félix, dans une suite de scènes apparemment sans trame, lutter avec ses peurs d’enfants (peur des fantômes, du sida, crainte d’un divorce de ses parents...) et connaître ses premiers émois. Le petit garçon, Montréalais introverti et à la veille de l’adolescence, vit ses derniers jours d’école avant l’été. On le suit patiemment, en cours de sport, en famille, à la sortie des classes, pour peu à peu le comprendre, et découvrir son intériorité.


 

La finesse de ce film tient précisément à sa nature "documentaire", faite de plans fixes, parfois très longs, installant une neutralité bienveillante : Philippe Lesage filme des scènes privées, souvent honteuses pour ses protagonistes, sans jamais embarrasser le spectateur ou forcer son jugement. Il parvient ainsi à créer un monde torturé, aux personnages complexes, dans un grand réalisme (lent) de dialogues et d’interactions. L’enfant est présenté comme le réceptacle de ce qu’il voit et entend du monde qui l’entoure : il n’a peur, en fin de compte, que de ce dont on lui dit d’avoir peur, et doute néanmoins beaucoup de la parole donnée. Cette labilité du jugement est interprétée merveilleusement par Édouard Tremblay-Grenier, qui parvient à incarner un personnage candide mais intelligent, cruel même parfois lorsque ses amis et lui s’en prennent à un de leurs camarades et lui infligent plusieurs brimades.


 

Si les rapports des personnages entre eux sont ainsi réalistes, à hauteur de spectateur, le monde de Philippe Lesage n’est cependant pas tout à fait banal : volontairement difficile à situer dans le temps (pour que le film vieillisse bien, de l’aveu de l’auteur), accompagné d’une bande son surprenante et parfois carrément funèbre, l’environnement dans lequel évoluent les jeunes gens bascule vers l’étrangeté.


 

À côté des pérégrinations de Félix, apparaît au cours du film un nouveau thème, qui l’oriente vers une tension plus grande et une possible résolution dramatique : un serial-killer, que pourrait bien connaître le garçon, sévit à Montréal et s’attaque aux enfants. Ce fait inattendu, qui vient gonfler les peurs du jeune homme, fait entrer le récit dans une narration différente et l’amène vers sa fin.
Un premier film très personnel, intelligent et empathique.

Thomas Coster
Jeune Cinéma, n° 375-376, automne 2016


Les Démons. Réal, sc : Philippe Lesage ; ph : Nicolas Canniccioni ; cost : Caroline Bodson ; mont : Mathieu Bouchard-Malo. Int : Édouard Tremblay-Grenier, Pierre-Luc Funk, Laurent Lucas, Pascale Bussières, Vassili Schneider, Sarah Mottet, Victoria Diamond (Canada, 2015, 118 mn).



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