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Aquarius (2016)
de Kleber Mendonça Filho
publié le mardi 27 septembre 2016

par Sandra Marti,
Jeune Cinéma n° 375-376, automne 2016

Sélection officielle en compétition du festival de Cannes 2016

Sortie le mercredi 28 septembre 2016


 


Après Les Bruits de Récife, Kleber Mendoza Filho revient avec son nouveau film Aquarius (interdit aux moins de 18 ans au Brésil). 160 minutes de bonheur.

Reprenant le cadre de son premier long métrage, le réalisateur y campe le portrait d’une femme de caractère, d’une soixantaine d’années, qui se débat avec la pression immobilière que fait peser sur elle un jeune promoteur aux dents longues (Humberto Carrão). Partouzes dans les appartements vides, squats organisés, tapage nocturnes, installation de sectes, menaces physiques, menaces verbales, intimidations en tous genres, rien n’est épargné à cette Brésilienne vivant aujourd’hui seule dans son immeuble (tous les autres propriétaires se sont défaits de leur bien) pour qu’elle quitte son appartement et accepte de le vendre à son "agresseur".


 

Le début, digne des Sept Mercenaires (version 2016), nous fait croire un temps que cette pauvre femme - si l’on veut que l’histoire reste crédible et qu’elle ne vire pas au drame - ne s’en sortira pas seule. Mais c’est sans compter sur l’imagination, l’optimisme, la force de Clara qui a déjà vaincu un cancer (exceptionnelle Sonia Braga).


 

Le réalisateur, calmement, obstinément, fait résoudre un à un ses problèmes à son héroïne. La tête haute, au sens propre et au figuré, Clara traverse, comme elle l’a toujours fait, les épreuves qui lui sont infligées. Aquarius qui porte le nom de l’immeuble qu’elle habite (et qui a à peu près le même âge qu’elle), on l’aura compris, traite du problème de l’avancée désordonnée de l’urbanisation dans une région sous-développée. Sur un rythme apparemment indolent (mais qui n’en a que l’apparence), le réalisateur nous cueille et nous plonge dans un récit construit en creux où les sensations fortes se glissent dans le moindre plan - toujours savamment cadré - sur une bande son utilisée à bon escient.


 

Les travellings, les panoramiques doux et décidés accompagnent cette femme qui vit chaque moment au présent en en tirant toujours le meilleur.
Clara a le temps et ne sortira de chez elle que par la force ou les pieds devant. Le jeune promoteur aura cinquante ou soixante ans lorsqu’il pourra réaliser son programme immobilier et elle a le cran de le lui dire en face, alors qu’il la renvoie à sa condition d’ancienne esclave. Sereine, Clara impose son rythme à son frénétique adversaire. Le temps, c’est de l’argent et l’argent, Clara en a bien suffisamment pour vivre. Elle profite de la vie car elle en connaît le prix, pour avoir failli la perdre bien plus tôt.
Avec Aquarius, entre les buildings et les quartiers populaires de Récife, la caméra de Kleber Mendonça Filho se promène et nous donne à voir le meilleur du cinéma brésilien contemporain.

Sandra Marti
Jeune Cinéma n° 375-376, automne 2016


Aquarius. Réal, sc : Kleber Mendonça Filho ; ph : Pedro Sotero, Fabricio Tadeu ; mont : Eduardo Serrano. Int : Sonia Braga, Maeve Jinkings, Irandhir Santos, Humberto Carrao (Brésil-France, 2016, 160 mn).



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