home > Films > Voyage au Groenland (le) (2016)
Voyage au Groenland (le) (2016)
de Sébastien Betbeder
publié le mardi 29 novembre 2016

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 377, décembre 2016

Sortie le mercredi 30 novembre 2016


 


Sébastien Betbeder est parti filmer au Groenland. Après 2 automnes, 3 hivers en 2013, il tourne Marie et les naufragés et au détour de la réalisation d’un moyen métrage, Inumiluk, en 2014, il se lance à la découverte de la banquise.
Deux amis groenlandais, Ole et Adam, quittent leur village de Kullorsuaq pour se rendre en France, ils seront accueillis par les deux comédiens Thomas Blanchard et Thomas Scimeca à Paris. Le Voyage au Groenland est donc, en remerciement aux deux Thomas, une invitation à connaître Kullorsuaq, village de chasseurs d’ours et de phoques.


 


 

Dès le premier plan, dans l’hélicoptère qui survole le paysage blanc, les deux Thomas dubitatifs se demandent ce qu’ils font là. Le duo fonctionne à merveille dans la drôlerie, l’un rempli d’inquiétude, de culpabilité et de crainte, l’autre épanoui et charmeur, tous deux liés par une amitié indéfectible.

Sébastien Betbeder travaille son style. Depuis quatre longs métrages, il progresse et creuse les mêmes sujets, la paternité, la filiation, l’amitié, l’amour, mais aussi le désarroi, l’angoisse de vivre et le sentiment fragile de la vie. Il n’hésite pas à mélanger les moments de pur documentaire - le dépeçage du phoque ou la rencontre avec les habitants du village en plans fixes sur les visages - avec des situations de fiction qui, par une espèce d’immédiateté de composition, donnent un sentiment d’improvisation permanente.


 

Le comique de situation vient de cette impression de présent instantané, de pris sur le vif - un nuage passe entre les personnages et tout de suite l’atmosphère en est modifiée, sans préméditation. On passe du rire à l’indécision, au suspens, à quelque chose aussitôt de beaucoup moins drôle, voilé de mélancolie, voire de tristesse. Cela se lit dans le regard de Thomas B., devant la crainte d’imaginer la mort de son père. Le pressentiment de la mort du père est toujours présent dans le film de Sébastien Betbeder, exprimé par l’aveuglement de la lumière, l’immensité de l’espace blanc éclatant, celui des cieux ou celui des glaces du Groenland, où la mort du phoque et de l’ours serait une métaphore.


 


 

Cette gravité de ton, sous-jacente au comique durant tout le déroulé du récit, est portée par les deux acteurs dans un mélange de naïveté interrogative et de plaisir hédoniste. Thomas Blanchard et Thomas Scimeca ont des physionomies singulières qui remplissent d’air frais le cinéma français.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 377, décembre 2016


Le Voyage au Groenland. Réal, sc : Sébastien Betbeder ; ph : Sébastien Godefroy ; mont : Céline Canard ; mu : Minizza. Int : Thomas Blanchard, Thomas Scimeca, François Chattot, Ole & Benedikte Eliassen, Judith Henry (France, 2016, 98 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts