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Tikkoun (2015)
de Avishai Sivan
publié le mercredi 7 décembre 2016

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 377, décembre 2016

Sélection officielle du Festival international du film de Locarno 2015

Sortie le mercredi 7 décembre 2016


 


Voici sans doute un des chefs-d’œuvre de l’année 2016. Tikkoun est le second long métrage du réalisateur, artiste visuel et écrivain israëlien, Avishai Sivan, après le remarqué Le Vagabond présenté à la Quinzaine des Réalisateurs 2010. Ce sont les deux premiers volets d’une trilogie prévue (mais pas encore financée).
"Tikkoun", en hébreu, signifie : "amélioration, rectification", mais il faut l’entendre ici avec l’idée d’une réincarnation, comme si l’âme revenait après la mort dans le monde des vivants pour y réparer une faute.


 


 

C’est ce qui se passe dans ce film qui raconte, dans un premier temps, la vie exemplaire de Haïm-Aaron, jeune Juif d’une communauté hassidique très stricte de Jérusalem, qui étudie dans une yeshiva ultra-orthodoxe. Sa probité, sa dévotion en font un modèle auprès de la communauté, jusqu’au jour où, à la suite d’un jeûne trop draconien, il s’évanouit et est déclaré mort.


 

Son père s’acharne et le fait revenir à la vie. Mais après ce retour, dans ce tikkoun, donc, il a complètement changé et a du mal à demeurer aussi strict, comme si Dieu le mettait à l’épreuve. Le châtiment est double : d’une part, le père s’en veut d’avoir contrecarré les volontés de l’Éternel, et Haïm-Aaron se laisse emporter par un trouble charnel inconnu - les scènes finales nous montrent le désir dans ce qu’il a de plus mystérieux, au-delà de la mort, dans cette confrontation que les Grecs connaissaient bien entre Eros et Thanatos.


 


 

Dans un superbe noir & blanc, sans gros plan, le réalisateur nous donne, avec une intensité et une modestie de moyens remarquables, une belle leçon de cinéma et de vie.
Il ne faut pas s’y tromper : le film, tel Kadosh de Amos Gitaï (1998), lutte contre l’orthodoxie religieuse poussée jusque dans ses derniers retranchements, mais sans condamnation. Il ne porte aucun jugement sur l’intégrisme religieux et ses dangers.
Après Le Vagabond, qui contait l’histoire d’un homme hanté par le côté obscur du passé trouble de son père en allant jusqu’au crime, Tikkoun va au bout de la problématique de la religion. Comment peut-on être religieux ? Comment faire pour refuser la vie et les désirs charnels ? Peut-on rivaliser avec Dieu jusqu’à nier sa part d’homme, à commencer par les appétits sexuels ?


 


 

Lorsque Haïm-Aaron se détache de cette foi morbide, il erre en stop dans les rues nocturnes de Jérusalem, s’éprend en secret d’une voisine mariée, et devient la phobie des autres pratiquants qui le voient comme l’incarnation du Mal.


 

Si ce film, réalisé avec maestria, sans complaisance ni jugement, est aussi puissant, c’est peut-être justement parce que Avishai Sivan n’est pas pratiquant, et a été élevé en dehors de toute religion.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 377, décembre 2016


Tikkoun (Tikkun). Réal, sc, mont : Avishai Sivan ; ph : Shai Goldman ; mont : Nili Feller. Int : Omri Fuhrer, Khalifa Natour, Riki Blich, Shani Ben-Haïm (Israël, 2015, 120 mn).



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