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Watchmen (2009)
de Zack Snyder
publié le samedi 17 décembre 2016

Cf. Automne 2013
Les saisons, chronique DVD

par Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°356, décembre 2013

Sortie le mercredi 4 mars 2009


 


Zack Snyder, s’il ne fait pas l’unanimité, est au moins un réalisateur remarquable, à l’inverse de la plupart de ses congénères versés dans les comics et l’heroic fantasy, les frères Nolan, Marcus Nispel et autres Marc Webb. S’il partage avec eux un univers sérieusement affété, ses films ne tournent pas à la démonstration de solennité pompière et pompeuse, qui plombe la plupart des films de super-héros d’aujourd’hui.

Sûrement grâce à un goût prononcé pour le mélange des genres, une grande curiosité intellectuelle et un savoir-faire formel certain, qui font par exemple de son Watchmen largement ignoré à sa sortie, la meilleure adaptation d’un roman graphique à ce jour, avec le From Hell (2001) des frères Hughes. (*)

Le matériau de base est particulièrement riche : uchronie située dans des années 80 où les États-Unis ont gagné la guerre du Vietnam et où Nixon est toujours au pouvoir, l’œuvre de Alan Moore & Dave Gibbons est la longue chronique suffocante et paranoïaque d’une bande de vigilantes aux pouvoirs plus ou moins surnaturels, retirés des affaires et peu à peu décimés par un mystérieux tueur. Adulés par la population et soutenus par le pouvoir lorsqu’il s’agissait d’effectuer la basse besogne à la gloire de l’Oncle Sam, ils stigmatisent aujourd’hui dans leur majorité une société crypto-fasciste qu’ils ont contribué à bâtir et qui pourtant les rejettent.
Ce glorieux passé est illustré par un somptueux générique de plus de cinq minutes, fait de tableaux vivants recouverts par une version longue de l’obsédant The Times They Are a-Changin’ de Bob Dylan.

C’est ensuite l’immersion immédiate dans l’univers glauque mais coloré de la BD.

Sans la moindre distance, à la case près, tout se retrouve incarné à la perfection : les décors rétrofuturistes, les héros dans leur costume de triste clown, la violence graphique.
Là se trouve le paradoxe de cette incroyable réussite : alors que l’on tient pour acquis que les seules adaptations réussies de bande dessinée ont pris leurs distances avec l’original sans tenter d’en reproduire les trucs, c’est ici la fidélité extrême qui produit la fascination, comme si le papier se mettait en mouvement, avec ce qu’il faut de chair et de sang. Il est vrai que Moore & Gibbons donnent parfois l’impression d’avoir réalisé un storyboard.

Et lorsque Snyder fait appel à des éléments exogènes, essentiellement musicaux, sans jamais trahir les intentions originelles, ils en transcendent le propos : voir la scène centrale de l’avènement du docteur Manhattan sur la musique circulaire et tourmentée que Philippe Glass composa à l’origine pour le Koyaanisqatsi de Godfrey Redgio (1983).
Il était impossible de rêver plus belle transposition de ce roman noir aux questionnements douloureux sur la responsabilité, la résignation, la rancœur et la justice.

Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°356, décembre 2013

* Paramount.

Watchmen (Les Gardiens). Réal : Zack Snyder ; sc : David Hayter et Alex Tse, d’après le comic Watchmen, d’Alan Moore et Dave Gibbons ; ph : Larry Fong ; mont : William Hoy ; mu : Tyler Bates ; déc : Alex McDowell, Jim Erickson ; cost : Michael Wilkinson. Int : Patrick Wilson, Jackie Earle Haley, Malin Åkerman, Billy Crudup, Matthew Goode, Jeffrey Dean Morgan, Carla Gugino (États-Unis, 2009, 163 mn).

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