home > Films > Colorado (1966)
Colorado (1966)
de Sergio Sollima
publié le samedi 24 décembre 2016

Colorado de Sergio Sollima (1966)
Sortie le mercredi 4 juin 1969

&

Cat Ballou de Elliot Silverstein (1965)
Sortie le 8 septembre 1965

Cf. Été 2013
Les saisons, chronique DVD

par Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°354, automne 2013


 


Comment ne pas célébrer avec bonheur la énième réédition de Colorado (1) oui, mais cette fois avec le director’s cut de Sergio Sollima !
Qui révèle une séquence d’ouverture, jusqu’alors nonsensique, savoureusement perfide.
Et fait la part belle, notamment au cours des opératiques scènes finales, à la partition lyrique de Morricone.

Colorado, c’est un chasseur de primes, Corbett (Lee Van Cleef) qui traque un jeune peón présumé violeur et meurtrier, Cuchillo (Tomás Milian).
Un film que l’on a un peu trop voulu politique, alors que l’histoire originale apparemment très gauchisante de l’incorrigible Solinas fut largement dégraissée par le réalisateur. Qui l’entraîne sur un courant plus libertaire, avec Cuchillo en histrion, électron libre, voleur, menteur intelligent qui incarne un certain anarchisme. Et Corbett, dont le rapport à Cuchillo et aux propriétaires terriens donneurs d’ordres évoluera à mesure que le film avance, une certaine autonomie de pensée.

Colorado, c’est le film le plus célèbre, sinon le meilleur - on peut lui préférer le "poliziottescho" Revolver (1973) - de Sollima, qui a peu et généralement bien tourné.
C’est le premier d’un triptyque de westerns all’italiana (Axelle Ropert et ses amis de la newsletter de la banque Lazard comprendront peut être un jour que l’on ne dit pas "western spaghetti" sauf à faire se retourner le père Leone dans sa tombe) qui se démarque généralement du genre par son absence d’ostentation, d’ironie et de cynisme, et le peu d’appétence qu’il a pour la violence graphique.

Les cadrages et travelling grandioses renvoient plutôt au western classique hollywoodien. Van Cleef évoque le hiératisme d’un Henry Fonda dans L’Homme aux colts d’or de Edward Dmytryk (1959).
Ils renvoient surtout au cinéma de sabre japonais, que Sollima admire profondément. Seul Milian, tout juste échappé de l’Actors’ Studio, rejoint, via la Méthode, l’hystérie commune à la plupart des westerns italiens.
Le film est accompagné d’un livret de Jean-François Giré, dont nous saluons par la même occasion la parution du deuxième volume du Western européen : les deux ont beau avoir été écrits avec les pieds, et pratiquer de manière éhontée le poujadisme cinématographique le plus primaire (l’éclairé serviteur du cinéma populaire Giré contre les obscurs thuriféraires du cinéma d’auteur), ils sont sources d’informations précieuses. (2)


 

Le sérieux de Colorado contraste avec l’esprit parodique de Cat Ballou (3), spécimen édifiant d’un western américain dont les formes classiques n’attirent alors plus grand monde et qui tente le tout pour le tout pour survivre, jusqu’à emprunter le pire du… western italien.

Quand je vois que le film d’Elliot Silverstein, qui commit aussi Un homme nommé Cheval (1970), est classé 10e meilleur western de tous les temps par l’American Film Institute, les yeux m’en tombent…

Certes, on pourrait trouver un certain plaisir à voir les formes de Jane Fonda revêtir les habits d’une cowgirl venue venger son pauvre père assassiné par de vils propriétaires terriens, si n’était tout le cirque qui l’accompagne : scènes d’action burlesques mimant le rythme des films muets, troupe d’acteurs pieds nickelés aux yeux écarquillés que domine un Lee Marvin grotesque en tueur à gages alcoolique (rôle qui lui valut évidemment un Oscar), introduction de chaque action par Nat King Cole, troubadour déguisé en chien savant obligé à chanter des chansons à boire éculées.

Jérôme Fabre
Jeune Cinéma n°354, automne 2013

1. Wild Side.

2. Jean-François Giré, Il était une fois...le western européen (1901-2008), préface de Franco Nero, Éditions Bazaar & Co (2002) ; Il était une fois... le western européen. Les dernières chevauchées du western européen, vol. 2 (2011).

3. Sidonis.


 


 

Colorado (La resa dei conti). Réal : Sergio Sollima , sc : S.S. & Sergio Donati ; ph : Carlo Carlini ; mu : Ennio Morricone ; mont : Gaby Penalba. Int : Tomás Milián, Lee Van Cleef, Luisa Rivelli, Fernando Sancho, Nieves Navarro (Italie-France, 1966, 91 mn).

&

Cat Ballou. Réal : Elliot Silverstein ; sc : Walter Newman et Frank R. Pierson, d’après le roman de Roy Chanslor ; ph : Jack A. Marta ; mu : Frank De Vol ; mont : Charles Nelson ; déc : Richard Mansfield. Int : Jane Fonda, Lee Marvin, Michael Callan, Dwayne Hickman, Nat King Cole, Stubby Kaye, Tom Nardini, John Marley, Reginald Denny, Jay C. Flippen, Arthur Hunnicutt, Bruce Cabot (États-Unis, 1965, 97 mn).

Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts