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Fais de beaux rêves (2016)
de Marco Bellocchio
publié le mercredi 28 décembre 2016

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 374, été 2016

Film d’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes 2016

Sortie le mercredi 28 décembre 2016


 


Que fait aujourd’hui un maître du cinéma italien, révélé il y a un demi-siècle par Pugni in tasca ?
Respecté, mais de moins en moins bankable dans l’Italie post-Berlusconi, Bellocchio a dû se résoudre à tourner des projets douteux comme, en 2009, en pleine crise des subprimes, cette série de spots publicitaires pour la banque Monte dei Paschi di Siena.
En 2015, il a accepté de mettre en images un des plus gros succès de librairie de ces dernières années, le récit autobiographique Fai bei sogni, de Massimo Gramellini, journaliste sportif passé aux pages politiques en 1990, au moment de la guerre en Yougoslavie. Gramellini, vice-directeur du quotidien turinois La Stampa, y confie une blessure secrète, la disparition inexpliquée de sa mère lorsqu’il avait huit ans.


 

Autre compromis qu’a dû faire le cinéaste : s’agissant d’une coproduction avec la France, il lui a fallu accepter deux actrices transalpines (ou presque), Emmanuelle Devos, qui tire honorablement son épingle du jeu, ainsi que la tout-terrain Bérénice Bejo.
Tenu d’être fidèle au livre éponyme, le réalisateur opte pour une narration chronologique, commençant à la fin des années soixante, se poursuivant dans les années 70, temps du journalisme sportif, puis politique avec la guerre du Kosovo. On balaie quarante ans d’histoire récente. Ce qui donne un film qui semble bien long, plus illustratif que cohérent, avec une amorce de réflexion sur le rôle du photographe, la mise en scène de la violence et le chantage aux bons sentiments, des thèmes pas bien nouveaux, brillamment développés, entre autres, par Susan Sontag dans le livre Regarding the Pain of Others (2002).

Le spectateur un tant soit peu averti restera pantois : pas un mot sur les bombes de Milan en 1969 (alors que le cinéaste avait été un des premiers à s’émouvoir publiquement de la "mort accidentelle d’un anarchiste"), rien sur la stratégie de la tension, le compromis historique, l’affaire Moro. Tout cela sent l’œuvre de commande exécutée sans grande conviction.

Un coup pour rien ?
Pas tout à fait : il y a de très belles scènes de complicité amoureuse entre une mère encore adolescente et son fils, dans l’intimité d’un appartement compassé, envahi insidieusement par la maladie et le secret.


 

Reste l’évocation d’un passé qui s’égrène au gré des rythmes nouveaux, des chansons à la mode et des séries télévisuelles qui nourrissent l’imaginaire comme jadis les contes et légendes.
On pense à Resnais et au Woody Allen de Radio Days.
Deux très jeunes interprètes se partagent le rôle du protagoniste enfant, le premier surtout, d’une énergie et d’une justesse remarquables.


 

On retiendra une réflexion mélancolique sur la mamma, présente, absente, indispensable, irremplaçable, source des souvenirs heureux, reine du vert paradis de l’enfance. Dans l’Italie actuelle où la courbe des naissances est une des plus basses d’Europe, le modèle qui tend à prévaloir est celui de la career woman.
Le dernier opus de l’auteur est donc presque une élégie.
Le Mia madre de Bellocchio ?

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n° 374, été 2016

Fais de beaux rêves (Fai bei sogni). Réal, sc : Marco Bellocchio ; sc : Valia Santella, Edoardo Albinati d’après Massimo Gramellini ; ph : Daniele Cipri ; mont : Francesca Calvelli ; mu : Carlo Crivelli. Int : Valerio Mastandrea, Bérénice Bejo, Guido Caprino, Emmanuelle Devos, Nicolo Cabras (Italie-France, 2016, 133 mn).

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