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Tramontane (2016)
de Vatche Boulghourjian
publié le mercredi 1er mars 2017

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 378-379, février 2017

Sortie le mercredi 1er mars 2017


 


Autour de la Méditerranée souffle la tramontane. La tramontane, c’est autant de vents qu’il y a d’histoires et de récits différents de la guerre civile au Liban (1975-1990). C’est aussi le titre du film.

Le cinéma libanais d’aujourd’hui questionne son histoire. Récemment, Go Home de Jihane Chouaib proposait le portrait d’une jeune femme de retour sur le lieu de son enfance dans sa maison en ruine, enfouissant les mystères de la guerre.

Le film de Vatche Boulghoujian use de la métaphore. Il est construit autour du personnage principal, un musicien aveugle interprété par Barakat Jabbour, acteur véritablement aveugle. Sa cécité renforce le mystère de sa naissance et c’est à l’occasion d’une tournée musicale en Europe qu’il entreprend de refaire ses papiers d’identité. Éclate alors le mensonge perpétré par ses parents adoptifs ; il décide de partir à la recherche de la vérité sur ses origines. Aveugle, mais aveuglé aussi par le mensonge d’une société entière et par sa propre famille d’adoption qui a créé et organisé une filiation plausible.


 


 

Courageusement, il quitte son foyer et part à la rencontre de personnes ayant peut-être le souvenir du lieu de l’abandon, qu’il ressent profondément. Il tente de réunir quelques indices, la mémoire de paroles ou de cris susceptibles de le mettre sur une piste. Il va ainsi de régions en villages, de maisons en familles, sans rien résoudre malheureusement.

D’autres films sur d’autres pays meurtris par la guerre - The Look of Silence de Joshua Oppenheimer, tourné en Indonésie - usent métaphoriquement de la vision défaillante d’une population pour faire la lumière sur une vérité historique. Plus récemment, Fuocoammare de Gianfranco Rosi montrait un enfant de Lampedusa dont la vue déficiente lui épargnait de voir la souffrance des migrants.

Dans Tramontane, la cécité du héros est bien liée à l’ignorance, au mensonge et au non-dit causé par la guerre ; la guerre lui a ôté ses yeux. Elle engendre la cécité et le mutisme des peuples : ne pas voir et ne pas dire ce qui a eu lieu. Chaque individu est pris en étau entre les atrocités commises et la survie à tout prix. La qualité de tous ces films tient au savant mélange de fiction et de documentaire. Les paysages et les territoires traversés, les personnes rencontrées et leur devenir, sont restitués par un marécage de falsifications, d’inventions et de dissimulations de l’histoire réelle. Un passé se dérobe à chaque avancée.


 

Tramontane est un film important.
Par la simplicité de son récit, il permet d’appréhender la situation d’un pays qui, après quinze ans de guerre, retrouve à travers la musique et le chant, une parole vraie, sincère et déchirante.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 378-379, février 2017

Tramontane. Réal, sc : Vatche Boulghourjian ; ph : Jimmy Lee Phelan ; mont : Nadia Ben Rachid. Int : Barakat Jabbour, Julia Kassar, Michel Adabashi, Toufic Barakat, Nassim Khodr (Liban-France-Qatar-Émirats, 2016, 105 mn).

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