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Stanton, Harry Dean (1926-2017)
Une vie, une œuvre
publié le vendredi 15 septembre 2017

par Anne Vignaux-Laurent
Jeune Cinéma en ligne directe


 


Harry Dean Stanton (1926-2017) est mort vendredi 15 septembre 2017.
Évidement tout le monde pense à lui chez Wim Wenders, dans Paris, Texas (1984), avec sa casquette, son désert et les notes de Ry Cooder.

Il y a des palmes d’or qu’on oublie, d’autres qui hantent inlassablement les cinéphiles, des plus pointus aux plus vagues, et c’est un drôle de mystère. En mai 1984, Paris, Texas avait déçu les wendersiens historiques en même temps qu’il atteignait une notoriété mondiale. Ses somptueuses premières images ont occulté le reste du film, et flirtent désormais avec l’immortalité des panthéons, dans cette froide éternité, qui, elle-même, flirte avec l’ennui.


 

Mais Stanton, on l’avait repéré, et on l’aimait déjà dès les années 60-70, chez Monte Hellman dans L’Ouragan de la vengeance (1965), Macadam à deux voies (1971), Cockfighter (1974).


 

Ou chez Sam Peckinpah dans Pat Garrett et Billy the Kid (1973), chez Coppola dans Le Parrain II, (1974), le meilleur, et dans le mal aimé Coup de cœur (1982), ou chez Arthur Penn dans Missouri Breaks (1976).


 

Au long des années, on adorait le retrouver au détour des génériques de films des palmarès intimes : Luke La main froide de Stuart Rosenberg (1967), The Rose de Mark Rydell (1980), La Mort en direct de Bertrand Tavernier (1980), Repo Man de Alex Cox (celui de 1984, pas celui de 2010), Sailor & Lula (1990) ou Une histoire vraie (1999) de David Lynch.


 


 


 


 

Au début du 21e siècle, on l’avait perdu de vue et relégué au fond des mémoires.
Quand, soudain, il réapparut chez David Lynch dans Inland Empire (2007), et aussi chez Paolo Sorrentino, dans This Must Be the Place (2011) en génial inventeur des valises à roulettes.

Cette année, on va le voir dans Twin Peaks part 6 (2017).


 

Et dans son tout dernier film, aux côtés de David Lynch acteur, dirigé par John Carroll Lynch : Lucky (2017).


 

Stanton était aussi un musicien, il jouait de l’harmonica et il chantait.

Il avait chanté aux funérailles de son ami Hunter S. Thompson.

Il chantait tout seul ou avec des amis.

Ou avec Kris Kristofferson.


 

Il jouait de l’harmonica avec Dylan.

C’était toujours très soft.

Il lisait beaucoup Bukowski.

Malgré ses amis superbes et souvent joyeux, il avait toujours un air mélancolique - il n’est pas sûr qu’on ait aimé le voir rire - et, en bon saturnien, il n’avait trouvé sa consécration au cinéma que vers la soixantaine.

On sait maintenant qu’avec ses quelque 200 films, il est partie intégrante et mur porteur de nos cinémas et de nos univers.
C’est pas sûr que nous en ayons toujours été conscients.
C’est le destin des seconds rôles.

Malgré nos efforts, avertis que nous sommes depuis l’enfance par la lecture du démodé Nourritures terrestres, nous n’avons jamais vraiment appris "la ferveur des instants", ni ceux du réel ni ceux du rêve, non plus que ceux des images et des mots. Alors que le temps, tout doucement sans faire de bruit, fout le camp à toute blinde.

Il faudrait faire plus attention, aux petites choses, aux seconds rôles, aux demi-teintes et aux chuchotements, aux crépuscules.

Parce que quand tout s’éloigne dans le passé, même quand c’est pour se loger dans l’histoire, on perd la chair et ses vibrations, bonnes ou mauvaises, et l’âme, à côté, peut-être que c’est un peu surfait.

Anne Vignaux-Laurent
Jeune Cinéma en ligne directe



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