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Biennale de Venise 2017 II
À la poursuite de Vénus
publié le lundi 18 septembre 2017

Biennale di Venezia, 57. Esposizione Internazionale d’Arte 
(13 mai-26 novembre 2017).

Viva Arte Viva !

Emissaries. In Pursuit of Venus [Infected] (2015)
de Lisa Reihana

Jeune Cinéma en ligne directe


 


À Venise, à la Biennale d’art, quand on est à la poursuite de Vénus, il faut aller à l’Arsenale, qui semble immuable malgré ses nombreuses transformations.


 


 


 

Et c’est un longue traversée.

Il faut tirer des bords vers de mystérieuses alvéoles...


 


 

… affronter des désordres improbables...


 


 


 

…croiser des voyageurs du Nord ou de l’autre monde...


 


 

… s’abriter dans d’étranges ports futuristes...


 

Pour, soudain, se retrouver ailleurs, très loin, dans le temps et dans l’espace, en 1804 dans le Pacifique, sans Vénus, mais dans un paradis d’authentiques sauvages.

À Venise, les idées de départ et de voyage flottent partout sur les canaux et jusque dans les ruelles les plus étroites. La mer est partout, et Marco Polo le gentil voyageur-commerçant n’est jamais loin, veillant sur cet Arsenale où furent construits les bateaux de sa famille.
Mais là, ce qu’on voit, c’est bien plus tard, le 18e siècle, et, bien plus loin que la Chine, c’est l’antipode.

C’est la néo-zélandaise Lisa Reihana qui accueille, avec son Emissaries. Pursuit of Venus [Infected] (2015-2017).


 


 

On s’assied devant une vaste vidéo panoramique, on a la chance d’être presque seul, on reste scotché, une demi-heure, hypnotisé, sans tout comprendre mais on s’en fout, on a assez d’images pour une reconstitution personnelle.

Quand on y retourne, après avoir révisé, on comprend et le titre et les intentions de Lisa Reihana. Et la deuxième fois, c’est tout aussi fascinant.


 

Voilà, c’est l’histoire du capitaine James Cook (1728-1779), "explorateur" européen du Pacifique.

L’astronome Kepler (1571-1630) avait prédit un "transit" de Vénus pour 1631, mais personne ne l’avait vu en Europe. Le prochain transit de Vénus était prévu pour le 3 juin 1769, cette fois, il s’agissait de ne pas le rater. En 1768, la Royal Society chargea James Cook, alors âgé de 40 ans et muni d’une solide expérience dans l’Atlantique Nord, de naviguer dans le Pacifique Sud pour observer ce fameux transit, et, dans la foulée, pour explorer un éventuel continent austral.

Aparté : Qu’est-ce qu’un "transit de Vénus" ? C’est une sorte d’éclipse, Vénus passant entre la Terre et le Soleil en masquant ainsi une partie aux yeux des terriens, mais, pour les astronomes, il ne faut pas confondre transit, éclipse et occultation.
Ce transit de Vénus se produit par paire (avec 8 ans de différence) tous les 243 ans. Les derniers transits de Vénus devant le Soleil eurent lieu en 1874 et 1882, le 8 juin 2004 et le 6 juin 2012. Les prochains auront lieu en 2117 et 2125.


 


 

Donc Cook, le 26 août 1768, à Plymouth, s’embarqua à bord de son trois-mâts, l’Endeavour, avec des scientifiques, notamment le botaniste Joseph Banks et l’astronome Charles Green. Après avoir passé le Cap Horn, il débarqua à Tahiti le 13 avril 1769, observa le ciel, reprit la mer et atteignit la Nouvelle-Zélande (et les Maoris) le 6 octobre 1769, puis l’Australie (et les Aborigènes) le 29 avril 1770, pour rentrer au pays en juillet 1771, par l’autre côté, tour du monde accompli.
Il y aura un deuxième voyage en 1772, puis un troisième en 1776, et, à bord, il y avait toujours des peintres.
À chacun de ses retours, il rapportait tout le matériel nécessaire à l’intégration des terres nouvelles dans le Commonwealth : cartographie, dénomination de lieux remarquables, herbiers répertoriés, livre de bord, journal de l’expédition, et images, etc. C’était merveilleux, c’était le progrès.

Les récits de ces voyages furent publiés à l’époque et eurent un succès considérable, surtout auprès des scientifiques, d’autant qu’ils furent prolongés par ceux de Bougainville (1729-1811) et de La Pérouse (1741-1788).

Tant et si bien qu’en 1804, dans la petite ville française de Mâcon, le dessinateur Jean-Gabriel Charvet (1750-1829) s’inspirant sans doute des dessins de John Webber (1751-1793) le peintre du 3e voyage de Cook - qui lui-même avait certainement vu les dessins de ses prédécesseurs des deux premiers voyages : Alexander Buchan, Sydney Parkinson et William Hodge -, réalisa une vaste fresque, intitulée Les Sauvages de la mer du Pacifique, éditée sur papier peint en 20 panneaux, par la manufacture Joseph Dufour et Cie, dans un objectif commercial de décoration intérieure et, semble-t-il, de diffusion d’information et de plaisir vers ceux qui n’avaient pas eu accès aux livres de voyages.


 


 

L’œuvre, à mi-chemin du témoignage et de la création artistique fut exposée au Louvre en 1804, et, en 1806, figura à l’Exposition des produits de l’industrie française, accompagnée d’un livret descriptif. Aujourd’hui, il existe des exemplaires de ce papier peint un peu partout en France et dans le monde, et, notamment, en Australie, à Canberra et à Sydney.

Lisa Reihana s’est emparée de cette fresque pour la travailler et l’animer avec des techniques audio-visuelles numériques, en lointain écho de la technique de Joseph Dufour, une impression, à l’époque inédite, à la planche de bois sur papier rabouté, avec un fond brossé à la main.
La vieille fresque est devenue une vidéo moderne, où figurent des scènes de genre, une végétation tropicale et une population insouciante, des incidents et des cérémonies, des rencontres inattendues, une profondeur de champ habitée, parmi lesquelles circulent deux personnages-clés de l’aventure : le Chief Mourner (le "deuilleur" passeur entre les deux mondes) des îles de la Société et son extraordinaire parure, et le botaniste-anthropologue Banks envoyé de la Couronne britannique.


 


 


 

Les événements et les humains s’y observent et s’y télescopent, à la manière maori (kanohi ki te kanohi = face à face) dans un panoramique dont la lenteur rend au temps son innocence et à l’espace, une sorte de paix.
Mais tous deux passent devant nos yeux et nos esprits suspendus d’aujourd’hui, avertis de la mort des civilisations.
Et avec eux défilent les Lumières et les indulgences, les prosélytismes et les conquêtes, les nouveles hiérarchies, les colonisations, et toute une Nature encore bonne, mais en voie d’incertitude.


 

L’œuvre a été présentée très souvent depuis 2015, principalement en Nouvelle-Zélande et en Australie.

AVL
Jeune Cinéma en ligne directe

Biennale Internationale d’Art 2017, Pavillon de Nouvelle-Zélande, Arsenale, Campo de la Tana, 30122 Venise.



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