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JC n°384 - décembre 2017

publié le samedi 23 décembre 2017

JEUNE CINÉMA n°384, décembre 2017.

Couverture :
Bertrand Tavernier, Festival Lumière, Lyon, octobre 2017, coll. Institut-Lumière, ©Jean-Luc Mège

Quatrième de couverture :
Bon anniversaire, Suzy Delair, 100 ans le 31 décembre 2017.

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ÉDITO JC n° 384, décembre 2017

 

Après Jean d’Ormesson, Johnny Halliday : deux géants de la pensée moderne nous ont abandonnés brutalement.

Leur disparition presque simultanée a donné lieu à une hystérie médiatique inédite, sur laquelle il est inutile de revenir, tant elle est un symptôme de l’épuisement du "spectacle intégré".
On comprend le trouble qui s’est élevé dans les âmes éperdues devant la disparition de tels monuments patrimoniaux. On a même cru entendre évoquer (pour lequel des deux ?) la mémoire de Victor Hugo et des obsèques nationales pour chacun. Et pourquoi pas deux prix Nobel posthumes ?
Sous les oripeaux apparemment opposés de la vieille élégance française un peu égrillarde et de la rébellion en peau de lapin, l’un comme l’autre étaient des hommes d’ordre et la société a toujours cultivé les héros qu’on lui donnait à respecter.

La grande force du chanteur a été d’occuper habilement le terrain, se prêtant à toutes les modes successives, fondu dans le paysage mental et social de plusieurs générations. Malgré qu’on en ait, ses chansons nous ont accompagnés au fil des décennies - comment faire autrement ?

Il rêvait d’être acteur, ce que sa présence corporelle et son charme (au sens magique originel) lui permettait d’être. Il le fut, avec des fortunes, ou plutôt des faillites diverses. Il ne fallait pas qu’il sorte de sa condition en essayant de jouer (on a vu le résultat dans Détective de Godard), il n’a jamais été meilleur (en tout cas moins pire) que quand il n’avait rien à faire que d’être là : D’où viens-tu, Johnny ? (Noel Howard, 1963), Le Spécialiste (Sergio Corbucci, 1969), Vengeance (Johnnie To, 2009) en sont des bons exemples.
Son incapacité à exprimer quelque sentiment que ce soit n’y était pas gênante, ainsi que dans les nombreux films où il apparaissait sous son nom, chez Lelouch ou Laurent Tuel (qui a cependant imaginé une mise en abyme intéressante dans Jean-Philippe, 2006).

Sinon, la caricature n’était jamais loin - cf. À tout casser (John Berry, 1968), dans lequel il est presque aussi drôle que sa marionnette des Guignols de l’info. Ou sa série David Lansky à la télévision qui n’a pu aller au-delà de quatre titres. On constate à peu près le même gâchis que lorsqu’on reprend la filmographie d’Elvis Presley (mais au moins celui-ci chantait, et bien, dans ses films).

Décembre. On voit déjà approcher la grande ombre des bilans : 2017 a-t-il été une annus mirabilis ou horribilis ? A-t-on vu autant de chefs-d’œuvre que ceux annoncés par la publicité ? Combien de titres aurons-nous en mémoire, d’ici deux ans, parmi les sept cents présentés cette année ?

Le prix Louis-Delluc ("tonner contre" écrirait Flaubert) va-t-il enfin récompenser le meilleur film ? Pour qui le César, le prix des lecteurs de, celui des auditeurs de, etc. ?

Ceux que le classement intéresse le trouveront aisément ailleurs que dans JC.
Une seule certitude : nous avons vu beaucoup de films, des très récents, des très anciens, des oubliés, des inédits, des remarquables, des nuls, en plus grande quantité que l’an dernier, en moins grande que l’an prochain. En tout cas, aucune confiance ne peut être faite dans l’acquiescement ou le rejet immédiats, eu égard au nombre de films revus, quarante ans plus tard, à Bologne ou à Lyon, et sur lesquels nous ne comprenons plus notre jugement d’époque. La critique est une science relative.

Ainsi, en 2057, nous apprécierons peut-être mieux quelques films actuels, La Villa (Robert Guédiguian), par exemple, salué par un enthousiasme consensuel qui nous étonne (serions-nous les seuls à être attristés par ce ressassement infini ?) ou Les Gardiennes (Xavier Beauvois), qui, adaptant un roman de 1920 parvient, et c’est très fort, à faire croire qu’il a été réalisé à cette date. Ce n’est pas de ce côté que l’on cherchera les fameuses salves d’avenir du poète.

Au sommaire de ce dernier numéro, encore du cinéma français.
Les promenades historiques auxquelles Bertrand Tavernier nous convie (promenades qui auraient comblé Raymond Chirat) ont constitué un des grands moments du Festival Lumière 2017.
Les huit épisodes des Voyages à travers le cinéma français ont certes été conçus pour un futur passage à la télévision, mais les découvrir sur le grand écran de l’Institut lyonnais fut un spectacle de choix : retrouver dans leur dimension originelle tant de scènes qui ont nourri notre espace intime et qui, à force d’être regardées en format A4, avaient fini par s’émousser, n’a pas de prix. Nous n’étions pas trop de deux pour aborder - et de façon trop subreptice - ce continent qu’on n’est pas près d’achever d’explorer. En attendant l’édition en DVD, qui nous permettra d’y revenir.

Vincent Macaigne est-il l’homme de l’année, comme le suggère René Prédal ?
Pour les mêmes raisons que celles énoncées plus haut, on se gardera de répondre. Mais le fait est que l’acteur a pris en moins d’un lustre une importance étonnante dans le nouveau cinéma hexagonal - quitte à nous irriter parfois devant le manque de renouvellement du personnage proposé.
Mais dans la cohorte des jeunes comédiens surgis depuis peu, Swann Arlaud, Cyril Descours, Finnegan Oldfield, Kevin Azaïs et autres, il est pour l’instant le seul à avoir créé un personnage identifiable - est-ce un atout ou une limitation, on le vérifiera plus tard, mais il convenait se poser la question.

Même si les librairies spécialisées disparaissent, l’édition de cinéma a conservé une activité rare.
La preuve : le nombre de livres reçus qu’il nous reste à déguster - et pas de l’opuscule : 576 pages pour La Culture cinématographique du mouvement ciné-club (Léo Souillés-Debats, afrhc), 940 pour Mémoires (Jean-Charles Tacchella, Séguier), 400 pour Ténèbres empoisonnées (Roxane Haméry, afrhc), 192 (grandes) pour Le Cinéma en héritage (Jean-Claude Missiaen, Riveneuve).
De quoi attendre l’année neuve en bonne compagnie.

Lucien Logette



SOMMAIRE JC n°384, décembre 2017

 

Cinéma français
 

* Voyages à travers le cinéma français I, par Philippe Roger.

* Voyages à travers le cinéma français II, par Lucien Logette.

* 2017 : L’année Vincent Macaigne ?, par René Prédal.

* Dictionnaire du jeune cinéma français, de René Prédal, par Lucien Logette

Festivals
 

* Fespaco, Ouagadougou 2017, par Pierre Beneyton.

* Films britanniques, Dinard 2017, par Nicole Gabriel.

* San Sebastian 2017, par Jean-Max Méjean.

DVD
 

* Glanures. De Feuillade à Claire Simon, par Philippe Roger.

* Chronique de l’hiver 2017, par Jérôme Fabre.

* Rayhana, Paris, Meinzer, Regueme, par Robert Grélier.

* La Libération, Youri Ozerov, par Lucien Logette.

Patrimoine
 

* Inferno 11 : Alan Clarke, par Jean-Paul Combe & Vincent Heritschi

* Grandes et petites énigmes de l’histoire du cinéma muet III. Le premier film Lumière, par Vincent Pinel.

* La Ronde, par Philippe Roger.

Cinéma & Littérature
 

* Toute la mémoire du surréalisme (2), par Robert Grélier.

* Cinéma surréaliste, par Lucien Logette.

Expérimental
 

* Le collectif Cane Capovolto, par Lucien Logette.

* Maurice Lemaître, Fin de tournage, par Nicolas Villodre.

Actualités
 

* Ex Libris, par Bernard Nave.

* La Douleur, par Gisèle Breteau Skira.

* Le lion est mort ce soir, par Jean-Max Méjean.

* La Villa, par Sol O’Brien.

* L’Échappée belle, par Gisèle Breteau Skira.

* Enquête au paradis, par Bernard Nave.

* Makala, par Thomas Coster.

* L’intrusa, par Jean-Max Méjean.

* Las marimbas del infierno, par Nicolas Villodre.

* Hannah, par Gisèle Breteau Skira.

* The Florida Project, par Claudine Castel.

* The Last Family, par Jean-Max Méjean.

* Chavela Vargas, par Nicole Gabriel.

* Marie Curie, par Gisèle Breteau Skira.

* Argent amer, par Jean-Max Méjean.

Livres
 

* Kirikou et après… de Jean-Paul Commin, Valérie Ganne & Didier Brunner, par Romain Delerps.

* Continental Films de Christine Leteux, par Lucien Logette.

* L’Art du montage de N.T. Binh et Frédéric Sojcher, éds., par Gisèle Breteau Skira.

* Écrans français de l’après-guerre de Jean-Jacques Meusy, par Lucien Logette.

Nécrologie
 

* Jean-Pierre Jeancolas (1937-2017), par Jean-François Camus.

Humeurs
 

* 1. Papier ; 2. Le passé du temps, par Bernard Chardère.

JEUNE CINÉMA n°384, décembre 2017.



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