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Pour le plaisir des amateurs en ligne 45
publié le dimanche 24 décembre 2017

Jeune Cinéma en ligne directe

Quelque part que l’homme soit né, il faut qu’il mange.
C’est à la fois la grande préoccupation de l’homme sauvage et de l’homme civilisé.
Seulement, sauvage, il mange par besoin.
Civilisé, il mange par gourmandise.
C’est pour l’homme civilisé que nous écrivons ce livre. Sauvage, il n’a pas besoin d’être excité à l’appétit.

Alexandre Dumas (1802-1870), Grand Dictionnaire de cuisine, 1870.

Erst kommt das Fressen, dann kommt die Moral.

Bertolt Brecht (1898-1956), L’Opéra de quat’sous, 1928.


 


Mise en bouche

* Rôti à l’impératrice
 

On ôte le noyau d’une olive, on le remplace par un filet d’anchois ; le fruit ainsi bourré se met dans une mauviette, laquelle à son tour entre dans une caille que renfermera une perdrix qui devra se cacher dans les flancs d’un faisan.


 


 

Le faisan disparaîtra à son tour dans le sein d’une vaste dinde, dont un cochon de lait deviendra la retraite ; on fera rôtir le tout, et le tout bien rôti vous offrira pour résultat la quintessence de l’art culinaire, le chef-d’œuvre de l’art gastronomique.


 


 

Ne croyez pas cependant que ce mets doive servir en entier : les gourmands ne mangent que l’olive et le filet d’anchois.


 

* Punch offert par sir Edward Russell, commandant en chef des forces anglaises, le 25 octobre 1694.

Le punch fut préparé dans le vaste bassin de marbre du jardin de sa maison : quatre barriques d’eau-de-vie, huit barriques d’eau clarifiée, vingt-cinq mille limons, quatre-vingts pintes de jus de citron, treize quintaux de sucre de Lisbonne, cinq livres de muscade, trois cents biscuits pilés, et enfin une pipe (de 420 à 530 litres) de vin de Malaga furent versés dans le bassin sur lequel un dais avait été dressé pour le garantir de la pluie ; on avait construit en bois de rose un petit bateau dans lequel un mousse élégamment habillé voguait sur le punch même et en servait à la compagnie, composée de plus de six mille personnes.


 

Potage

Potage de tortue
 

Fixez votre tortue à une échelle, attachez-lui au cou un poids de 25 kilogrammes et, à l’aide d’un fort couteau, coupez-lui la tête et laissez saigner pendant cinq à six heures.


 

Posez-la ensuite sur la table, couchée sur le dos, détachez le plastron de la carapace, enlevez tous les intestins, puis détachez aussi les nageoires avec leur peau en appuyant votre couteau sur la carapace, ramassez avec soin la graisse en raison de sa délicatesse ; coupez le plastron et la carapace en quatre ou six morceaux, mettez-les dans un grand chaudron d’eau chaude et laissez cuire vingt à vingt-cinq minutes, jusqu’au moment où la peau se détache des os.
Retirez ensuite les morceaux du feu et plongez-les dans l’eau froide, puis égouttez-les sur des serviettes. Les morceaux de chair maigre que vous avez retirés de l’eau chaude sont très peu délicats, c’est une chair longue, filandreuse et fade.

Mettez toutes vos chairs maigres dans une marmite, puis vous ajoutez 10 kilogrammes de tranches de bœuf, deux jarrets de veau, trois vieilles poules.


 

Vous mouillez de trois grandes cuillerées de bon bouillon et laissez tomber à grand feu le fond à demi-glace ; remplissez ensuite votre marmite d’un grand bouillon, vous la garnissez de quatre oignons piqués de clous de girofle, un bouquet de basilic et romarin, puis vous laissez cuire le tout à petit feu pendant six heures.


 

Vous prenez les peaux du plastron et de la carapace et vous les coupez en morceaux de 3 centimètres carrés ainsi que les nageoires ; puis vous mettez ces morceaux dans une casserole foncée de bardes de lard, avec une bouteille de vieux madère, et vous finissez de mouiller avec le consommé préparé et passé. Laissez cuire le tout ensemble, en vous assurant de temps en temps que la cuisson est arrivée à point.


 

Relevé

Croustade de squales
 

Ayez quinze estomacs de jeunes requins, mettez-les tremper vingt-quatre heures, égouttez-les, puis faites-les blanchir vingt minutes dans une eau légèrement salée ; égouttez-les encore et passez-les à l’eau fraîche, épongez-les ensuite avec une serviette.


 

Foncez ensuite une casserole de bardes de lard et mettez-y vos squales ; ajoutez-y une feuille de laurier des Indes, deux clous de girofle, trois tranches de citron auxquels vous aurez enlevé la peau et les pépins ; mouillez d’une cuillerée à pot de bon consommé de volaille, trois onces de beurre et faites cuire le tout à petit feu jusqu’à entière cuisson.


 

Au moment de servir, faites une sauce avec une grande cuillerée à pot de suprême, une cuillerée à bouche de soubise, une forte pincée de kari indien et faites en sorte que cette sauce réduite ne soit pas trop pâteuse. Faites ensuite égoutter vos squales, passez-les dans votre sauce et dressez-les dans votre croustade.


 

Entrées

Ortolans à la provençale
 

"La truffe, dit Brillat-Savarin, est le diamant de la cuisine ; elle réveille des souvenirs érotiques et gourmants chez le sexe portant robe, et des souvenirs gourmands et érotiques chez le sexe portant barbe ; la truffe n’est point un aphrodisiaque positif, mais elle peut en certaine occasion rendre les femmes plus tendres et les hommes plus aimables."


 

Prenez autant de grosses truffes que vous en pourrez trouver ; prenez autant d’ortolans que vous aurez de truffes, coupez vos truffes en deux, creusez-y une place pour votre ortolan, placez-le, enveloppé d’une double barde très mince de jambon cru, légèrement humectée d’un coulis d’anchois.


 

Garnissez vos truffes d’une farce composée de foie gras et de moelle de bœuf ; liez-les de façon que vos ortolans n’en puissent sortir.
Rangez vos truffes garnies d’ortolans dans une casserole à glacer ; mouillez avec une demi-bouteille de vin de Madère et même quantité de Mirepoix.


 

Faites cuire pendant vingt minutes à casserole couverte ; égouttez les truffes, passez le fond à travers le tamis de soie, dégraissez et faites réduire de moitié ; ajoutez-y de l’espagnole et faites réduire jusqu’à ce que la sauce masque la cuiller, passez-les à l’étamine.
Dressez vos truffes en buisson, et servez la sauce à part.


 

 
Pieds d’éléphant
 

Prenez plusieurs pieds de jeunes éléphants, enlevez la peau et les os après les avoir fait dégorger pendant quatre heures à l’eau tiède.


 

Partagez-les ensuite en quatre morceaux dans la longueur et coupez-les en deux, faites-les blanchir dans de l’eau pendant un quart d’heure, passez-les ensuite à l’eau fraîche et égouttez-les dans une serviette.
Ayez ensuite une braisière qui ferme bien hermétiquement ; placez au fond de cette braisière deux tranches de jambon de Bayonne, mettez dessus vos morceaux de pieds, puis quatre oignons, une tête d’ail, quelques aromaties indiens, une demi-bouteille de madère et trois cuillerées de grand bouillon.


 

Couvrez bien ensuite votre braisière et faites cuire à petit feu pendant dix heures.
Faites passer la cuisson bien dégraissée à demi-glace en y ajoutant un verre de porto et cinquante petits piments que vous aurez fait blanchir à grande eau et à grand feu pour les conserver très verts.


 

Mets

Grand bouilli
 

Achetez une culotte de bœuf de 12 à 15 kilos, faites-la désosser.
Ficelez-la de manière que votre relevé de potage ait la forme d’un carré long, bombé, faites-la cuire dans un bouillon que vous aurez fait la veille et dans lequel vous aurez mis tous les restes des rôtis de la veille, poulet rôti, dinde rôtie, lapin rôti, etc.


 

Mettez autour de votre pièce de bœuf une garniture à la Chambord ou à la Godard, décorez-la d’une quantité de hâtelets garnis de rissoles et fichés dans les chairs en manière de porc-épic.
Si la garniture de votre bouilli n’est ni à la Chambord ni à la Godard, garnissez-le de petits pâtés d’oignons glacés, de choucroute, de nouilles ou de légumes à la flamande.


 

 
Brochet à la Chambord
 

Prenez un très beau brochet.
Après en avoir ôté les écailles et enlevé toute la peau, vous le piquerez par bandes transversales, larges chacune comme trois doigts ; savoir, une bande avec de fins lardons épicés ; la seconde avec des truffes bien noires coupées en forme de clous de girofle ; la troisième avec des filets de carottes et la dernière avec des filets de cornichons bien verts et pareillement coupés en forme de clous.


 

Vous farcissez ce gros poisson avec un hachis pour quenelles aux truffes émincées.
Faites cuire le brochet dans une poissonnière avec un court-bouillon dont le mouillement soit de vin de Champagne, assaisonné d’épices, de racines et d’un bouquet garni.


 

Le poisson cuit, retirez assez de fond de cuisson pour que le dessus du brochet soit à découvert et mettez-le au four afin que les sucs se concentrent et que les parties piquées au lard y prennent une belle couleur dorée. Procédez maintenant au ragoût qui doit former la garniture.

Mettez dans une bassine une demi-bouteille de vin de Champagne non mousseux, ajoutez-y un demi-litre de blond de veau, du quatre-épices et le jus de quatre bigarades dans lequel vous aurez délayé deux fortes pincées de poudre de kari.
Faites réduire et passez ensuite au tamis de soie.


 

Remettez sur le feu et faites-y prendre sauce à des fonds d’artichauts braisés, des mousserons blancs et des champignons cuits à la moelle, de grosses truffes au vin de Bordeaux, des laitances et des langues de carpes, des foies de lottes et des quenelles de turbot à la crème et aux truffes, des tronçons d’anguille piqués et de filets d’olives cuits au vin de Madère, des écrevisses d’Alsace au vin blanc, des ris de veau piqués et glacés, des ris d’agneau pralinés au vert-pré, des cailles sautées, enfin des crêtes et des rognons de coq, et, si l’on veut, quelques pigeonneaux de l’espèce dite à la Gautier.


 


 


 

On terminera cet appareil splendide en y mêlant du beurre d’anchois avec quelques cuillerées de glacis de viande et l’on passera ce mélange avant de la placer au fond du plat.
On arrangera le tout avec ordre et symétrie autour du brochet, dans le corps duquel on piquera quelques longs hâtelets d’argent, bien garnis de rissoles et autres substances variés, telles que belles truffes noires, grandes oronges ou ceps du Midi, jaunes d’œufs de pintade, ortolans rôtis, gros fruits d’Italie marinés au vinaigre.


 

Fromages

 
Fromage
 

Le fromage pour être mangé ne doit être ni trop nouveau ni trop vieux.
Trop nouveau, il est lourd, pèse sur l’estomac, et cause souvent des vents et des diarrhées ; trop vieux, il échauffe par sa grande âcreté, produit un mauvais suc, a une odeur désagréable et rend le ventre paresseux, parce que la fermentation considérable qu’il a souffert l’a privé des humidités qu’il contenait qui a fait perdre à ses principes tout leur premier arrangement.


 


 

Entremets de douceur

 
Gâteau de riz à la bourgeoise
 

Lavez et faites blanchir 250 grammes de riz, faites-le crever dans un peu de lait que vous aurez fait bouillir avec le zeste d’un citron, mouillez ce riz petit à petit et maintenez-le ferme, laissez-le ensuite refroidir, incorporez-y une douzaine de macarons écrasés, dont six amers, une pincée de sel fin, 125 grammes de sucre, quatre œufs entiers et les jaunes de quatre autres dont vous conserverez les blancs.


 


 

Beurrez une casserole, égouttez-la, saupoudrez-la de mie de pain, fouettez vos quatre blancs d’œufs, incorporez-les légèrement dans le riz, versez-le dans la casserole qui devra vous servir de moule, mettez-le au four une demi-heure ou trois quarts d’heure avant de servir.


 

Dressez-le sa cuisson achevée et servez-le de suite.


À Jean-Baptiste Clément (1836-1903) et à Montehus (1872-1952).


 


 


* Alexandre Dumas, Grand Dictionnaire de cuisine, Paris, Alphonse Lemerre, 1873 ; Mon dictionnaire de cuisine, préface de Thierry Savatier, Paris, Bartillat 2009.


 


 

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