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Last Family (the) (2016)
de Jan P. Matuszynski
publié le mercredi 17 janvier 2018

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 384, décembre 2017

Sortie le mercerdi 17 janvier 2018


 


Premier long métrage de fiction du jeune réalisateur polonais Jan P. Matuszynski, The Last Family relate une période de la vie du peintre Zdzislaw Beksinski (1929-2005), originaire de Sanok, au sud-est de la Pologne, et mort à Varsovie. D’abord intéressé par la photographie et le photomontage, il se tourne peu à peu vers la sculpture, le dessin et enfin la peinture. Son œuvre est marquée par une influence du surréalisme, tendance fantastique morbide.


 

Contrairement au genre du biopic sur les peintres, la pratique picturale n’est pas omniprésente dans le film, mais l’œuvre en revanche est très présente dans l’atelier et l’appartement.


 

C’est la psychologie des personnages qui intéresse le réalisateur et leur art de vivre ensemble. Très peu de plans extérieurs, excepté celui, maintes fois répété, du chemin rectiligne qui sépare l’appartement familial de celui du fils Tomasz, sorte d’allégorie du cordon ombilical. La caméra filme le plus souvent les scènes à l’intérieur et suit notamment le peintre, qui lui-même filme en caméra VHS sa propre vie familiale de façon continue.

Le film est donc construit à partir d’une réalité filmée par le peintre, dont on peut voir quelques extraits d’archives. Ce détail a son importance et opère une espèce de jeu de reflet-miroir d’une "vie en train de se faire", d’un work in progress provoqué, choisi et voulu comme tel. On sait qu’il filmait de façon obsessionnelle le moindre événement de la vie courante avec sa femme, son fils et la grand-mère, qui disparaîtront les uns après les autres avant lui, qui sera assassiné. Il les filme sans états d’âme apparent.


 

On assiste à la montée d’une folie intérieure qui gagne l’espace de l’appartement, enfermement sur soi, refoulement, frustration, narcissisme et violence.
Alors que la mère est rongée d’inquiétude pour son fils Tomasz, profondément dépressif, que la grand-mère veille silencieusement sur ce qui se déroule sous son toit, le peintre évolue, détaché et serein face aux situations les plus tragiques de sa famille.


 


 

On est en droit de s’interroger sur le sens du travail pictural de Beksinski, à ce point reflet d’un monde terrifiant, où sont célébrées des images de cadavres et de squelettes décomposés, visions de cauchemars atroces qui ont bercé l’enfance du fils, et dont il n’est pas sorti indemne.


 


 

Le film agit comme une catharsis, laissant libre court aux émois et pulsions les plus enfouies, notamment celles du fils envers les femmes, et celle, obsédante, du père à filmer selon un voyeurisme claustrophobe et pervers la vie et la mort de sa famille.
Jan P. Matuszynski n’hésite pas, pour ses débuts, à se confronter à un sujet aussi complexe et fait œuvre d’une rare étrangeté.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 384, décembre 2017

The Last Family (Ostania rodzina). Réal : Jan P. Matuszynski ; sc : Robert Bolesto ; ph : Kacper Fertacz ; mont : Przemyslaw Chruscielewski ; mu : Atanas Valkov. Int : Andrzej Seweryn, David Ogrodnik, Aleksandra Konieczna, Andrzej Chyra (Pologne, 2016, 123 mn).

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