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Serge Pey et la boîte aux lettres du cimetière (2018)
de Francis Fourcou
publié le mercredi 21 mars 2018

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 21 mars 2018


 


Quand éclata la guerre civile en Espagne, en juillet 1936, le grand poète sévillan, Antonio Machado (1) se mit au service de la République. Quand celle-ci s’effondra, il dut fuir vers la France avec sa mère. C’est à Collioure qu’il mourut, le 22 février 1939, exténué, peu après avoir franchi la frontière au col des Balitres. Son cercueil, recouvert du drapeau républicain, fut accueilli par une niche amie dans le petit cimetière de Collioure.

C’est là qu’en 1958, ses amis - Pablo Casals, René Char, Albert Camus, André Malraux, etc - lui offrirent une vraie sépulture, une tombe munie d’une boîte aux lettres. Les lettres affluèrent et elles affluent encore : c’est un exercice littéraire classique proposé aux enfants des écoles d’écrire au poète. La boîte aux lettres est relevée chaque semaine par ceux de la Fondation Antonio-Machado.


 


 

Serge Pey (2) milite sans trêve pour une "Résistance poétique", une poésie-action. Il inscrit ses poèmes sur des bâtons de pélerin. Dans la région, cette "action poétique" passe par le souvenir de ces "500 000 fantômes" d’Espagnols réfugiés en France, après l’invasion de leur pays par la peste franquiste.


 

Au mois de mai 2014, il entreprend un "chantier d’art" : parcourir un chemin qui part de l’avenue Antonio-Machado, à l’Université de Toulouse, et va jusqu’à la tombe de Collioure. 300 km de sentier en une quinzaine de jours, via Ramonville, Montgiscard, Castelnaudary, Bram, Carcassonne, Coufoulens, Palaja, Mayronnes, Laroque de Fa, Cucugnan, Tautavel, Rivesaltes, Argelès...


 


 

Il marche, accompagné de quelques disciples, entre 3 et 30, arborant un drapeau transparent. "Le drapeau de la poésie, c’est un drapeau transparent, c’est le drapeau où on peut tout écrire, où tout est permis, toutes les transgressions, tous les commentaires, tous les mots."


 

Francis Fourcou filme son frère d’action. (3) "Un coureur cycliste qui fait l’ascension d’un col, ne voit que son guidon, il ne voit pas la montagne".
Lui voit aussi la montagne, il sait montrer l’Occitanie, la randonnée, ici une vue exaltante, là un vent magique, ou une lumière divine. On perçoit même le parfum des genêts, la bonne plénitude des muscles fatigués, la saveur de la halte.


 


 


 

Aux étapes, des soirées poétiques, des rencontres musicales ou historiques, largement suivies par les habitants des villages qui se souviennent de cet exode des Espagnols, ceux du Poum ou ceux des Brigades, et qui racontent. On ne doit pas dire "Retirata", qui sonne comme une désertion. Et il vaut mieux ne pas se baigner sur cette plage d’Argelès, en 1939, elle a un peu servi de fosse septique, c’était pollué...


 


 

Ce sont les petits-enfants des résistants espagnols, et pourtant ils sont déjà vieux, concentrés sur leurs héritages et leurs testaments. C’est un peu mélancolique, ils ne recrutent pas vraiment, ne se prêtent qu’à la commémoration, sans débat, ils ne laissent de place qu’à la sympathie, les sourires de connivence. Mais, ainsi, s’opère la jonction, non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps.


 

Serge Pey dit "Je ne fais pas de la poésie pour faire rêver, je fais de la poésie pour réveiller".
Et il faut bien prendre cet élan pour tenter de dissoudre la lourde chape de l’oubli.

Caminante no hay camino
Se hace camino al andar
Golpe a golpe, verso a verso

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Antonio Machado (1875-1939). La Fondation Antonio-Machado, à Collioure.

2. Serge Pey est né en 1950. Il est écrivain et poète, maître de conférence à l’Université de Toulouse-Le-Mirail. Prix Guillaume-Apollinaire (2017), Grand prix SGDL de poésie (2017), Prix Boccace (2012), il a signé l’Appel des 58.

3. Francis Fourcou est né en 1955. Il a été notamment l’assistant de Peter Watkins et de Jacques Rozier. Il a réalisé Laurette 1942, une volontaire au camp de Récébéou (2015).


Serge Pey et la boîte aux lettres du cimetière. Réal, ph : Francis Fourcou ; son : Agnès Mathon ; mont : Clément Combes. Avec Serge Pey. Documentaire.



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