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BlacKKKlansman (2018)
de Spike Lee
publié le mercredi 22 août 2018

par Patrick Saffar
Jeune Cinéma n° 388-389, été 2018

Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2018

Sortie le mercredi 22 août 2018


 


En adaptant le récit "incroyable" de Ron Stallworth, un officier de police noir qui, vers la fin des années 70, avait réussi à s’infiltrer au plus haut niveau du Ku Klux Klan, Spike Lee retrouve incontestablement le punch qui avait fait le succès de Do the Right Thing (1989) et Jungle Fever (1991).


 


 

Au flic noir, qui contacte par téléphone les représentants de l’organisation suprémaciste blanche, est adjoint un collègue juif (autre cible du KKK), envoyé sur le terrain.
En dédoublant ainsi le champ d’action des représentants de l’ordre (ce qui nous vaut d’ailleurs un certain nombre d’invraisemblances), Spike Lee aurait pu faire jouer une fructueuse dialectique : à tout moment l’on s’attend à ce que le vernis craque et que l’Afro-Américain aussi bien que le Juif n’en puissent plus de prendre à leur compte le discours haineux de l’assemblée de débiles mentaux qu’ils sont chargés d’infiltrer.


 


 

À cela, le cinéaste préfère un exercice de barres parallèles qui culmine, précisément, dans un montage alterné entre un discours émouvant confié à Harry Belafonte et la projection, au sein du KKK, d’un extrait de Naissance d’une nation (1915) où éclate le racisme de Griffith.
En reprenant au carré le "procédé" développé par ce dernier, le malin Spike Lee espère sans doute s’infiltrer lui-même dans le cinéma dominant afin d’écrire une contre-histoire du cinéma, du point de vue des Noirs.


 


 

Il enfonce le clou dans les dernières minutes du film en reprenant, en split screen, des plans éloquents des émeutes de Charlottesville, et, en vis-à-vis, le déjà trop fameux discours de Trump faisant suite aux événements.

Une fois sa mission accomplie, Stallworth préfèrera, malgré les brimades, conserver l’uniforme plutôt que de suivre une ravissante activiste noire, dont le personnage est un peu sacrifié.


 

John Ford (Le Sergent noir, 1960) n’est finalement pas si loin, et il se pourrait que le film de Spike Lee soit plus hollywoodien qu’il ne le pense lui-même.

Patrick Saffar
Jeune Cinéma n° 388-389, été 2018

Blackkklansman. J’ai infiltré le Ku Klux Klan. Réal, sc : Spike Lee ; sc : Charlie Wachtel, David Rabinowotiz, Kevin Willmott ; ph : Chayse Irvin ; mont : Barry Alexander Brown ; mu : Terence Blanchard. Int : John David Washington, Adam Driver, Laura Harrier (USA, 2018, 134 mn).



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