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JC n°390 - septembre 2018

publié le lundi 1er octobre 2018

JEUNE CINÉMA n°390, septembre 2018.

Couverture :
Maurice Ronet, Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle (1957)

Quatrième de couverture :
Le Surréalisme et l’amour fou, in Le Cinéma des Surréalistes de Alain Joubert, Éditions Maurice-Nadeau, 2018-©Pierre-André Sauvageot

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ÉDITO JC n° 390, septembre 2018

 

Comment échapper à ce passage obligé, à l’orée de chaque numéro, de l’énumération des amis disparus ?

Après Pierre Rissient en mai 2018, c’est Paul Louis Thirard qui nous a faussé compagnie, juste avant le festival Il Cinema Ritrovato, dont il était un des participants les plus constants. Ni les projections à la Cineteca bolognaise, ni les soirées au restaurant Luciano, n’avaient cette année la même saveur.
Thirard, ce fut avant tout Positif - soixante ans de présence assurée, entre 1955 et 2015, un record - et Positif lui a rendu un bel hommage dans son numéro de septembre 2018. Outre ses spécialités, Maurice Burnan et le cinéma doubrovnien, c’était un fin amateur de ce qu’on appela longtemps les mauvais genres, fantastique et policier - il était également membre de 813, l’association des amoureux du rompol. Un homme de goût, donc, familier depuis toujours de Jeune Cinéma : il milita, pendant la guerre d’Algérie, au sein des mêmes réseaux que Andrée Tournès et cosigna, avec elle et les Delmas, le manifeste des 121. Plutôt que de rédiger son panégyrique, nous avons préféré lui donner la parole, par l’intermédiaire de Bernard Chardère, dont la richesse des dossiers n’a pas de limites.

Quelques semaines plus tard, nous avons appris la disparition brutale de Pierre Beneyton - nous l’avions baptisé "notre agent à Ouagadougou". Amoureux du Burkina-Faso, il s’y rendait régulièrement, parrainant des enfants pour qu’ils accèdent à l’enseignement, développant là-bas la formation d’éducateurs. Animateur de ciné-club au temps de la Fédération Jean-Vigo, il était un ami fidèle de la revue, à laquelle il participa par ses comptes rendus du Fespaco (le dernier en décembre 2017, n° 384). Jeune Cinéma ne disposera plus de cette fenêtre sur le cinéma africain qu’il entrouvrait pour nous régulièrement. Deux proches amis en une saison, l’été fut rude.

C’est Alfonso Cuaron qui a décroché le Lion d’or du dernier Festival de Venise ; le fait qu’il lui ait été remis par son ami Guillermo del Toro, président du jury, pourrait faire penser à un conspiration entre Mexicains, si l’on ne connaissait la qualité de l’œuvre passée du réalisateur de Roma.
Notons l’événement : c’est le premier film récompensé dans un festival de cette catégorie qui ne soit pas destiné au cinéma, mais à la télévision privée, celle de Netflix. Nous avions évoqué le problème dans notre compte rendu cannois du précédent numéro, mais il n’est pas inutile d’y revenir, tant la chose est importante. On se souvient de la levée de boucliers des distributeurs et exploitants, lorsque Cannes présenta, en 2017, deux films produits par ladite Netflix pour ses abonnés, échappant ainsi à la chronologie des médias qui régit la diffusion du cinéma. Le vent de tempête souffla si fort qu’une nouvelle règle dut être édictée, interdisant désormais toute sélection pour de telles productions menaçant l’exploitation. Fermeture qui s’étendit en mai à la sélection hors compétition, contrainte d’écarter The Other Side of the Wind, le film de Orson Welles, restauré par la chaîne.

Mais les organisateurs de Venise n’ont pas eu à subir les mêmes obligations (les exploitants ne pèsent peut-être pas en Italie du même poids) et ont su habilement profiter de l’aubaine : de là, ce Lion pour Cuaron, ainsi qu’un prix du scénario pour The Ballad of Buster Scruggs, le western des frères Coen, également produit par Netflix. On voit l’ampleur prévisible du problème : eu égard à la puissance financière de la chaîne, qui offre aux cinéastes (et pas n’importe lesquels : outre ceux déjà cités, dans l’immédiat, Sofia Coppola, Lana & Lilly Wachowski, Martin Scorsese, Paul Greengrass, J.C. Chandor) des moyens sans mesure, on voit mal comment se dérouleront les prochaines éditions des grands festivals, entre ceux qui acceptent et ceux qui refusent. Les autres empires virtuels, Google et Amazon, ayant eux aussi l’intention de mettre un doigt milliardaire dans un système qui promet d’être rentable, il va falloir tenir compte de ce bouleversement. L’avenir est aux négociations, urgentes.

Par bonheur, le Festival Lumière, non-compétitif et n’obéissant à aucune réglementation castratrice, a pu inscrire à son programme (du 13 au 21octobre 2018) à la fois Roma et The Other Side of the Wind, ce qui permettra aux spectateurs lyonnais de les découvrir avant même leurs passages sur Netflix.
Mais ce ne sont pas les seuls perles annoncées : l’hommage à Jane Fonda ne réunit pas que ses films les plus célèbres, et nous nous faisons une fête de revoir F.T.A. (Francine Parker), documentaire sur sa tournée anti-guerre du Viêt-nam qui, en 1972, valut à l’actrice d’être traînée dans la boue par les "patriotes" américains.

Quant à la rétrospective Henri Decoin, elle est la plus large jamais proposée - dix-sept titres dont aucun ne dépare l’ensemble - et constitue une réhabilitation pour un auteur qui, malgré ses biographes (Raymond Chirat, Yves Grosrichard, Hubert Niogret), continue de n’être que peu considéré.
Mais c’est devant le cycle consacré à Muriel Box que se retrouveront les curieux : sept films d’une cinéaste quasi inconnue, le cinéma d’outre-Manche, durant les années 50, n’étant pas plus accessible aux réalisatrices que celui d’ici. Voilà de quoi meubler les pages de notre numéro de décembre.

Si celui de septembre est si patrimonial, ce n’est pas parce que Jeune Cinéma aurait changé de cap, mais simplement parce que peu de choses dans la saison ont attiré notre attention.
Tout le monde s’est jeté sur Les Frères Sisters de Jacques Audiard, il suffit de se reporter à son journal habituel. Alors Un peuple et son roi, autre événement de la rentrée ? Comme Pierre Schoeller est, à nos yeux, un des plus remarquables réalisateurs apparus ces dernières années, nous n’avons pas voulu détourner les lecteurs de ce film qui nous a fort navrés. Nous y reviendrons le moment venu, après avoir vérifié si, sait-on jamais, notre consternation première était une erreur. Nobody’s perfect.

Lucien Logette



SOMMAIRE JC n°390, septembre 2018

 

Anniversaire
 

* Ascenseur pour l’échafaud, par René Prédal.

Documentaires
 

* Chris Marker, metteur en scène de sa propre vie, par Robert Grélier.

* Chris Marker et la politique, par Paul Louis Thirard.

* CinémAction : Marker, pionnier et novateur, par Lucien Logette.

Patrimoine
 

* Inferno 15 : Laurent Heynemann, par Jean-Paul Combe & Vincent Heristchi.

* Grandes et petites énigmes de l’histoire du cinéma muet VIII. Les mystères de "l’effet K", par Vincent Pinel.

* Marcello Pagliero, l’aventurier nonchalant, par Lucien Logette.

Festivals
 

* La Rochelle 2018, par Philippe Rousseau.

DVD
 

* Chronique de l’automne 2018, par Jérôme Fabre.

* Glanures : de Alice Guy à Gisaburo Sugii, par Philippe Roger.

Cinéma et Littérature
 

* Toute la mémoire du surréalisme (6), par Robert Grélier.

* Le cinéma des Surréalistes, par Lucien Logette.

Actualités
 

* Mademoiselle de Joncquières, par Gisèle Breteau Skira.

* Wine Calling, par Gisèle Breteau Skira.

* Une valse dans les allées, par Nicole Gabriel.

* Shut Up and Play the Piano, par Nicole Gabriel.

* Rue des Cascades, par Nicole Gabriel.

* Première année, par Jean-Max Méjean.

* Touch Me Not, par Philippe Roger.

* Leave No Trace, par Gisèle Breteau Skira.

* L’Envers d’une histoire, par Bernard Nave.

* The Mumbai Murders, par Bernard Nave.

Livres
 

* Costa Gavras, Va où il est impossible d’aller, par Robert Grélier.

* Tangui Perron, éd., L’Écran rouge, syndicalisme et cinéma, par Robert Grélier.

* "Guy Hennebelle, un critique engagé", Cinémaction n°166, été 2018, par René Prédal.

* François Rouquet & Frabruce Virgili, Les Françaises, les Français et l’épuration, par Bernard Chardère.

* Jean Charles Tacchella, Mémoires, par Lucien Logette.

Nécrologies
 

* Klaus Wildenhahn (1930-2018), par Nicole Gabriel & Nicolas Villodre.

* Claudine Eizykman (1945-2018). Un cinéma singulier, par Prosper Hillairet.

Souvenirs
 

* Autobiographie partielle et partiale, par Paul Louis Thirard (1932-2018).

JEUNE CINÉMA n°390, septembre 2018.



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