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Fanfaron (le) (1961)
de Dino Risi
publié le mercredi 3 octobre 2018

par Andrée Tournès
Jeune Cinéma n° 259, janvier 2000

Sorties le jeudi 27 juin 1963 et les mercredis 24 juin 2009 et 3 octobre 2018


 


Mario Monicelli avait appris à Vittorio Gassman l’ABC du travail de réalisateur : toujours garder, voire étirer la durée d’une action physique, tourner un gros plan d’acteur en une seule prise et surtout faire précéder du geste la parole. (1) Gassman s’en souviendra dans ses propres mises en scène. Deux ans après La Grande Guerre, (2) c’est son corps et son visage au naturel que Dino Risi, son second maître, lui rend dans Le Fanfaron.


 


 

L’amitié contractée sur le tournage dure encore. Gassman apprécie la complicité dans le travail. Risi tourne vite, improvise et laisse improviser ; tourner devient un plaisir, une occasion de voyager et un travail rentable. Un personnage est né, qui incarne une petite-bourgeoisie toute neuve, vitale, qui s’ébroue avec l’explosion du boom économique.
La forme du road-movie permet au personnage de parcourir les espaces nouveaux de la société, les routes et leurs stations, les bars et les bals, les plages et les petits restos, le tout baigné par les chansons d’époque.


 


 

Risi n’utilise jamais de stéréotypes abstraits, mais fixe des détails précis qui en disent long. Bruno Cortona (Gassman) est exubérant, hâbleur, tricheur et secrètement mal à l’aise. Le paradoxe est que ce caractère endossé pendant vingt ans et plus était en fait un contre-emploi : il se sentait plus proche du rôle de Trintignant, timide et intraverti : "Cette agressivité, tout à fait dénuée d’inhibition, j’ai dû me l’inventer et, ce faisant, cacher que c’était une construction… C’était un travail de caractère théâtral, et j’ai réussi, de temps en temps, à trouver la technique juste pour un art différent."


 

Le Fanfaron est une réussite parfaite. Une comédie à l’italienne qui capte l’euphorie d’une époque déjà menacée ; une structure qui enchaîne son chapelet d’épisodes et les enferme dans la durée d’un week-end.


 

La fin est tragique, comme la plupart du temps chez Monicelli, mais différemment.
Ce que Gassman / Bruno laisse deviner, c’est l’ombre d’une inquiétude, ce "on n’aurait peut-être pas dû y aller" après la visite aux parents de Trintignant.
Le personnage de Bruno Cortona a produit de nombreux avatars, mais jamais Dino Risi et ses épigones ne retrouveront cette fusion heureuse des éléments qui faisaient sa complexité.

Andrée Tournès
Jeune Cinéma n° 259, janvier 2000

1. Ce texte est extrait d’une étude sur Vittorio Gassman, in Jeune Cinéma n° 259, janvier 2000.

2. La Grande Guerre (La grande guerra) de Mario Monicelli (1959). Avec Alberto Sordi, Vittorio Gassman, Silvana Mangano, Bernard Blier.

Le Fanfaron (Il sorpasso). Réal : Dino Risi ; sc : Dino Risi, Ettore Scola, Ruggero Maccari ; ph : Alfio Contini ; mont : Maurizio Lucidi ; mu : Riz Ortolani. Int : Vittorio Gassman, Jean-Louis Trintignant, Catherine Spaak, Claudio Gora, Luciana Angiolilo (Italie, 1961, 105 mn).



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