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Tendre Indifférence du monde (la) (2018)
de Adilkhan Yerzhanov
publié le mercredi 24 octobre 2018

par Claudine Castel
Jeune Cinéma n°388-389, été 2018

Sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 2018

Sortie le mercredi 24 octobre 2018


 


Le jeune cinéma kazakh, en dépit de conditons matérielles difficiles, se porte bien. Loin de l’univers des anges blessés de Emir Bayghazin, (1) Adilkhan Yerzhanov nous livre un film lyrique et solaire (le titre est une citation de Albert Camus), comme un refus de la noire réalité d’un pays rongé par la corruption.


 

L’image est prémonitoire : des gouttes de sang tombent une à une sur les pétales blancs d’une rose trémière. Deux hommes se battent dans un champ évoquant Les deux hommes qui luttent de Goya comme le cinéaste s’était inspiré du chromatisme de Vincent Van Gogh dans The Owners (2014).


 

Des parieurs assis en font un spectacle. Kuandyk, le vainqueur, couronné tel un faune, renvoie le soleil avec un miroir sur la belle lectrice Saltanat. Mettant ses pas dans les siens, il se plonge dans la lecture - il lit "Stendhap" -, et se met en tête d’être son ange protecteur quand elle doit aller en ville négocier l’aide d’un oncle, cédant à sa mère criblée de dettes et menacée de saisie.
À l’épreuve de la jungle de la ville, Saltanat, bien que diplomée de médecine, est piégée par les créditeurs, potentats caricaturaux ; Kuandyk trouve sa place en mettant KO les hommes de main d’un mafieux en fruits et légumes, dans une scène burlesque.

Comparé à Jean-Paul Belmondo par ses collègues, il a l’audace et la liberté de ton (et le chapeau de Poiccard) des premiers films de Jean-Luc Godard. Il enlève Saltanat, l’incarnation de la grâce et de la beauté, singulièrement reléguée à la passivité.


 


 

Adilkhan Yerzhanov convoque l’art entre citations littéraires et collages - Le Douanier Rousseau, Marc Chagall -, et le déploie dans la composition picturale (lignes, couleur) des plans, contrepoint de l’amour sublime. Il filme à distance leur disparition dans la campagne ensoleillée. "Elle est retrouvée. Quoi ? - L’Éternité".

Claudine Castel
Jeune Cinéma n°388-389, été 2018

1. Allusion à L’Ange blessé (Ranenyy angel) de Emir Bayghazin (2015).


La Tendre Indifférence du monde (Laskovoe bezrazlichie mira). Réal : Adilkhan Yerzhanov ; sc : Roelof Jan Minneboo ; ph : Aydar Sharipov : mont : Yedige Nessipbekov ; mu : Nurassyl Nurifin. Int : Dinara Baktybayeva, Kuandyk Dussenbaev (Kazakstan-France, 2018, 100 mn).



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