home > Films > Une affaire de famille (2018)
Une affaire de famille (2018)
de Hirokazu Kore-Eda
publié le mercredi 12 décembre 2018

par Patrick Saffar
Jeune Cinéma n° 388-389, été 2018

Palme d’or au Festival de Cannes 2018

Sortie le mercredi 12 décembre 2018


 


Il est peu de dire que la famille obsède Kore-Eda Hirokazu, et ce depuis au moins Nobody Knows (2003). Que l’on se rappelle également Tel père, tel fils (2013), avec son échange d’enfants qui donnait de quoi réfléchir sur la notion de paternité, ou Notre petite sœur en 2015.
Si la remise en cause est ici plus radicale, en même temps que plus percutante, c’est qu’elle vise à la fois le lien familial et la société de consommation tout entière, dans ce que l’un comme l’autre peut avoir de perverti.


 

Une famille entière, faite de bric et de broc (la grand-mère a fait l’objet d’une douteuse tractation, une fillette maltraitée vient d’être recueillie…) vit de petits boulots et de diverses rapines, exécutées par les enfants, particulièrement habiles à ce jeu (on pense un peu au Petit Garçon d’Oshima (1) également inspiré d’un fait divers).


 


 

Une harmonie certaine semble même régner au sein de cette cellule, et les plans d’intérieur, pourtant particulièrement surchargés d’objets divers, sont composés avec minutie.


 

Kore-Eda rêverait-il lui aussi, après Éluard, de défaire "l’affreux nœud de serpents des liens du sang" ? Il montre en tout cas, au terme d’un rebondissement tardif (qu’on ne révèlera pas) que cette famille est unie, non seulement par les délits, mais par le crime.


 

Serait-ce là une manière de renvoyer à l’autre crime, au fondement duquel se construirait, particulièrement dans nos sociétés, toute famille ?
Le cinéaste a l’élégance de ne pas s’appesantir, mais l’utopie qu’il nous propose traduit sans doute une colère bien réelle. Le retour au bercail du petit voleur (qui se dénonce de lui-même) se signale par une discrète mélancolie, qui n’est que l’envers de cette colère : le vol, c’était l’a-propriété.

Patrick Saffar
Jeune Cinéma n° 388-389, été 2018

1. Le Petit Garçon (Shōnen) de Nagisa Ōshima (1969).

Une affaire de famille (Manbiki Kazoku). Réal, sc, mont : Hirokazu Kore-Eda ; ph : Kondu Ryuto ; mu : Hosono Haruomi. Int : Franky Lily, Matsuoka Mayu, Jyo Kairi, Ando Sakura, Kiki Kirin (Japon, 2018, 121 min).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts