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Étendues imaginaires (les) (2018)
de Yeo Siew Hua
publié le mercredi 6 mars 2019

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 392-393, février 2019

Sélection du Festival international de Locarno 2018. Léopard d’or.

Sortie le mercredi 6 mars 2019


 


Ce beau titre du film de Yeo Siew Hua nous transporte très loin, à Singapour, dans la mer de Chine, aux confins de la Malaisie, de l’Indonésie et plus loin encore, du Vietnam, vers un territoire artificiel conquis sur la mer, devenu aujourd’hui un centre économique mondial.


 


 

Folle utopie aux accents de science-fiction, étendues à perte de vue de sable blanc (ou gris selon l’arrivage des bennes pour la construction du littoral), surplombées de machines extraordinaires semblant fonctionner toutes seules, vision surréaliste inquiétante et assourdissante à la fois.


 

Dans la nuit, ce paysage se transforme en un lieu étrange où, à la périphérie, vivent les ouvriers, travailleurs immigrés exploités et pauvres. La plupart d’entre eux ne trouvent pas le sommeil, tant les conditions de vie sont difficiles ; c’est le cas de Wang qui, lors de ses errances nocturnes, échoue dans un cybercafé tenu par Mindy, une femme mystérieuse et séduisante. Une nuit, Wang disparaît.


 

Le film tisse alors, autour du drame social, une enquête policière, menée par Lok (Peter Yu) personnage sensible et humain qui, peu à peu, va s’immiscer dans la vie et la personnalité de Wang afin d’élucider l’énigme de sa disparition. Nous sommes dans un monde oscillant entre réel et virtuel, où le réalisme criant d’une situation géopolitique se mêle à l’inconnu des univers connectés où la personnalité des gamers s’immerge et s’évanouit.


 

Le langage cinématographique de Yeo Siew Hua est atypique, il évoque à la fois le monde froid, distant et blanc, du sable comme celui du labeur répétitif du travail, et celui, obscur, de la nuit aux couleurs acidulées presque pop d’un univers surréel.
Deux mondes parallèles s’affrontent, bercés par la lenteur du sommeil, ou porteur d’une insomnie presque permanente, comme si le film faisait office d’un rêve métamorphosé en cauchemar ou/et vice versa.


 

C’est un documentaire et c’est une totale fiction, proche du fantastique autant que d’un essai philosophique sur l’avenir du monde, et qui met en lumière la perte des repères, un éblouissement, un trouble et une fascination extrême pour d’autres lieux, imaginaires ou de perdition, illimités et hors limites, enfer paradisiaque ou paradis infernal.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 392-393, février 2019


Les Étendues imaginaires (A Land Imagined) Réal, sc : Yeo Siew Hua ; ph : Hideho Urata ; mont : Daniel Hui ; mu : Damien Guillaume, Gilles Benardeau, Wei Young Teo. Int : Xiaoyi Liu, Peter Yu, Jack Tan, Yue Guo, Luna Kwok (Singapour-France-Pays-Bas, 2018, 95 mn).



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