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Quelle folie (2019)
de Diego Governatori
publié le mardi 8 octobre 2019

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°396-397, octobre 2019

Sélection ACID au Festival de Cannes 2018

Sortie le mercredi 9 octobre 2019


 


Diego Governatori, jeune réalisateur français, a débuté avec son frère Luca. Ils ont signé ensemble cinq courts métrages, primés dans différents festivals. Quelle folie est le premier long métrage de Diego seul, couronné cette année du prix Mitrani au Fipadoc de Biarritz.

Introduit par une phrase de Valère Novarina qui donne le ton, "Ce dont on ne peut parler, c’est cela qu’il faut dire", Aurélien Deschamps, comédien et autiste, filmé souvent de dos, marche dans la nature et vocifère contre sa difficulté à dire.


 

Il parle beaucoup, de façon presque logorrhéique, les mots se bousculent et son esprit semble toujours en avance sur sa parole. Sur ce flot de choses dites, difficilement accessibles sinon à travers le ressenti d’une souffrance intense, sont filmées les ombres des éoliennes dont les pales, en tournant, produisent une rumeur tellement sourde que les paroles d’Aurélien paraissent rythmées par ce bruit incessant, implacable et toujours identique, comme les pulsations du cœur. Quelque chose résonne, entre la parole vive d’Aurélien et ces immenses personnages d’acier, mécaniques et inexorables, quelque chose de l’ordre d’une impossible communication, entre continuité du mouvement et discontinuité du langage.

Diego Governatori accompagne ensuite Aurélien à Pampelune, lors de la feria. Au milieu de la foule, il se fraye un chemin, en suivant le cheminement de sa pensée, toujours plus écorchée, toujours plus volubile. Il est comme le taureau filmé qui s’ébat, fonce et charge. Son discours est de plus en plus fourni, de plus en plus ardu à saisir, mais qu’importe. Ce qui compte alors, c’est la libération, voire la passion de la parole, qui s’exprime dans la brillance du regard, celle qui annihile tout ce que cache l’inconscient, tout ce qu’il faut "taire".


 


 

Dans les ruelles de la ville, les prises de vue sur le haut des immeubles coupent et cisaillent un ciel trop étroit pour pouvoir soulager les tortures d’Aurélien. Le réalisateur isole magnifiquement la foule, habits blancs et foulards rouges, par des cadrages serrés, en plusieurs tableaux, identiques et mouvants, se refermant encore sur Aurélien.

Puis il s’éloigne et retrouve son chemin de solitude dans la nature sèche, crevassée, aride et plantée de ces majestueuses silhouettes bruyantes et effrayantes.


 


 

Le film est un travail intime qui capte ce qu’il comprend du handicap d’Aurélien et le transmet par l’image comme lui le fait par les mots. Un double portrait dans lequel filmeur et filmé font œuvre commune.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°396-397, octobre 2019


Quelle folie. Réal, sc, ph, mont : Diego Governatori ; mont : Julie Duclaux. Int : Aurélien Deschamps (France, 2019, 87 mn). Documentaire.



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