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Braquer Poitiers (2018)
de Claude Schmitz
publié le mercredi 23 octobre 2019

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°396-397, octobre 2019

Sortie le mercredi 23 octobre 2019


 


Braquer Poitiers est le troisième long métrage du jeune réalisateur belge Claude Schmitz, après Le Mali (en Afrique) en 2015 et Rien sauf l’été en 2017.

C’est un film d’une originalité incroyable, drôle, inventif et inclassable.
Son titre suggère, par l’infinitif du verbe, un nouvel angle dans l’action même de commettre un braquage ; qui plus est, Poitiers sans le "à", c’est donc braquer une ville. Folie, démesure, écart, fraîcheur et surprise… Tant d’autres mots possibles encore pour évoquer ce film si particulier, où on est invité d’emblée à écouter un homme qui se fait gentiment dépouiller par des voyous.


 

Dès le long premier plan du film, les deux braqueurs Francis (Francis Soetens) et Thomas (Thomas Depas), aux dégaines assez caractéristiques, tatouages, cheveux longs, grosses bagues, se tiennent debout sur le terre-plein du carwash que possède Wilfrid (Wilfrid Ameuille) ; sans rien faire, ils observent les faits et gestes des clients arrivant avec leur voiture. Et l’image est si présente, si vraie dans sa simplicité et son déroulement temporel, que tout paraît d’autant plus invraisemblable.


 

Car, en réalité, on ignore ce qu’ils font là. Puis on fait connaissance avec Wilfrid, personnage énigmatique, finalement exceptionnel, hors norme, jouant son propre rôle de propriétaire rencontrant les voleurs.
C’est la chronique d’un braquage consenti avec le braqué, où les discussions se succèdent pour mettre au point la finalité : le ramassage en fin de soirée des pièces des distributeurs, tandis que Wilfrid philosophe sur la vie, et plus précisément sur la médiocrité de la vie de Francis et Thomas, uniquement motivés par l’argent.


 

Arrivent les compagnes des deux voyous, Hélène (Hélène Bressiant) et Lucie (Lucie Guien).
Les cinq finissent par former une famille. Une véritable alchimie s’opère, non préméditée par un scénario inexistant, un climat inconcevable où les personnages réunis de façon aléatoire et hasardeuse trouvent ensemble au fil du temps une amitié. Ils passent des soirées et des moments formidables, chantent Brel, dégustent les paroles de Wilfrid et aiment sa compagnie.


 


 

Ce film insolite affiche toutes sortes d’improbabilités, d’abord vis-à-vis des personnages, acteurs non-professionnels, excepté les deux jeunes filles et Marc Barbé très convaincant dans le rôle du rabatteur. Vis-à-vis ensuite de l’écoulement du temps et du développement de l’histoire, non-écrite, improvisée, où le documentaire entrelace sans cesse la fiction. Puis, enfin, cet épilogue en guise de retour au réel dans ce cinéma de l’instant, où la fête organisée à l’initiative de Wilfrid sonne le retour de la solitude et de la mélancolie.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°396-397, octobre 2019


Braquer Poitiers. Réal, sc : Claude Schmitz ; ph : Florian Berutti ; mont : Marie Beauné. Int : Francis Soetens, Thomas Depas, Wilfrid Ameuille, Marc Barbé, Hélène Bressiant, Lucie Guien (France, 2018, 59 mn).



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