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Place des Victoires (2019)
de Yoann Guillouzouic
publié le mercredi 6 novembre 2019

par Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 6 novembre 2019


 


Place des Victoires, c’est d’abord l’histoire banale d’un homme en chute libre. Bruno est un héros pitoyable. Séparé de sa femme avec interdiction de voir ses enfants, ex-entrepreneur en faillite, incapable de payer le loyer de son appartement sous les toits, il accumule les déconvenues et les humiliations.


 


 

Loi des séries, il se fait voler son portefeuille et son portable par un petit Rom. Quand il le rattrape, l’enfant est mutique et semble terrorisé.


 

Dans cette période où il lutte pour ne pas se noyer, c’est la seule rencontre qui lui permet de se remettre à niveau, de se vivre comme généreux et un peu fort, alors il le recueille, le nourrit et le soigne.

En réalité, le petit garçon va se révéler être une joyeuse et redoutable fripouillle, extrêmement éveillée, qui va ouvrir à la grande personne un univers inconnu, lui apprendre la débrouille, le vol, la ruse, l’aplomb. Le remettre droit. Entre eux, va s’installer une relation filiale variable, chacun étant alternativement le père ou le fils.


 


 

Leur port d’attache devient l’appartement de Bruno, mais, de là, ils tirent des bords vers tous les espaces intermédiaires sans propriétaires, cages d’escaliers, rues, trottoirs, entrepôts, terrains vagues, groupes de parole, là où "ça" échange pour de vrai.


 


 

Car ils vont surtout se découvrir, tous les deux, un point commun essentiel : ils appartiennent tous deux au même espace incertain et toujours à construire, celui des marges d’un monde tordu.


 

Le gamin, la chouette crapule sans confession, le sait, et s’y sent comme un poisson dans l’eau. L’adulte, intégré, lui, l’ignorait, tentant vainement de s’adapter à un mainstream qu’il pensait normal, libre et obligatoire, et il sombrait.


 


 

Clairement, la morale est immorale. Pour survivre sans être broyé, le mieux est de s’adapter, de la façon la plus ironique possible, c’est-à-dire un peu éloignée. Instruit par un enfant gagnant, Bruno le loser devient un héros quasi brechtien.


 

Guillaume de Tonquédec est excellent, avec une sorte de grâce qui lui permet, dès le début accablant, de nous séduire immédiatement. Du coup, la seule chose qui nous importe, c’est ce que va devenir son éducation, dans un film qui ressemble à un roman d’apprentissage.

Le gamin, Pitu Puia, est absolument exceptionnel. Non seulement il est photogénique, et son français récent est charmant, mais les arnaques de son personnage, Gagic, sont un régal permanent. Lui, quand il n’est pas à l’écran, il nous manque.


 


 


 

Tous les seconds rôles sont parfaitement justes, qui, en habitant le film, le nourrissent. Richard Bohringer et Clara Ponsot surtout, qui se mettent au service du fil principal de ce récit-fable.
Le film nous attache, jusqu’à la fin, où on atteint une authentique émotion.


 


 

On s’étonne que ce film n’ait été, pour l’instant, sélectionné nulle part, par aucun festival. C’est le premier long métrage de Yoann Guillouzouic, qui ne doit pas encore avoir un carnet d’adresses suffisant. On lui souhaite un destin à la Virtuoses (1).

Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Les Virtuoses (Brassed Off) de Mark Herman (1996), sorti dans la plus complète indifférence, a connu le succès public grâce au bouche-à-oreille de l’époque, où n’existaient pas les réseaux sociaux. Il a ensuite été couvert de récompenses les deux années suivantes.


Place des Victoires. Réal, sc : Yoann Guillouzouic ; ph : Thomas Hardmeier ; mont : Marion Monestier ; mu : Amin Bouhafa. Int : Guillaume de Tonquédec, Piti Puia, Clara Ponsot, Richard Bohringer, Juliette Dol, Claire Borotra, Raphaëlle Agogué, Gwendolyne Gourvenec, François Bureloup, Michael Vander-Meiren, Jean-François Cayrey, Amélia Lacquemant, Jules Pacini, David El Hakim, Vincent Aguesse, Xun Liang, Eléonore Bauer, Jérôme Paquatte, Sofiia Manousha, Bruno Gouery, Françis Soler, Rosella Nardelli, Lily Martin Haggiage, Olivier Scarbonchi, Gisèle Lahaye, Cédric Martin (France, 2019, 100 mn).



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