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Cunningham (2019)
de Alla Kovgan
publié le mercredi 1er janvier 2020

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°398, décembre 2019

Sortie le mercredi 1er janvier 2020


 


De nombreux films ont été consacrés au chorégraphe américain Merce Cunningham, mais on peut dire que le documentaire de Alla Kovgan sort vraiment du lot. Toujours un peu risqué, le pari de la 3D y est tenu, ce dont on s’aperçoit dès les premiers plans en hélicoptère au-dessus des gratte-ciel new-yorkais qui nous plongent à quelques mètres de la terrasse d’un immeuble où évolue une jeune troupe de danse.


 

La structure du film est chronologique et n’embrasse pas la totalité de la carrière de cette figure de la modern dance, la tranche de vie examinée étant de trois décennies (de 1942 à 1972), autrement dit de la conversion de l’ex-danseur de Martha Graham au métier de chorégraphe, suivie de sa rencontre avec le compositeur John Cage et de la création d’une modeste compagnie de danse, puis au renouvellement de celle-ci avec le départ à la retraite de ses interprètes historiques : Carolyn Brown, Viola Farber, Valda Setterfield et Gus Solomons Jr.


 

Ce déroulement permet tout de même de suivre l’évolution stylistique de l’artiste et de l’abandon progressif dans les années soixante de ses influences dadaïstes et surréalistes (celles de Érik Satie notamment et, surtout, de Marcel Duchamp, que John Cage fréquentait régulièrement à New York). L’un des points essentiels de la collaboration Cage-Cunningham est le rapport de totale indépendance entre la musique et la danse, les deux arts de l’écoulement n’ayant en commun qu’une même durée.


 

Alla Kovgan présente quantité de films d’archives en noir & blanc et procède par allers-retours entre captations anciennes et performances pour le film, gravées en 3D, en haute définition, avec un soin extrême apporté à la couleur. À l’intérieur des séquences en noir & blanc, la réalisatrice prouve qu’elle fut au départ une monteuse en juxtaposant un même moment chorégraphique, filmé tantôt en répétition, tantôt en représentation.


 


 

Ceci pour dire que, dans l’écriture de Merce Cunningham, qui, au départ fait place au hasard, les phrases gestuelles finissent par se fixer et ne plus bouger d’un iota. À ce stade, ni la spontanéité ni l’improvisation ne sont de mise. Ce qui ne veut pas dire que des blocs ou des extraits de pièces ne puissent faire l’objet de citations ou de collages sous forme
d’events - au sens où l’entendait le mouvement Fluxus. Le film insiste d’ailleurs sur la collaboration du chorégraphe avec des artistes plasticiens, Jasper Johns ou Andy Warhol, et particulièrement Robert Rauschenberg, dont le départ précipité, après sa reconnaissance mondiale en 1964 à la Biennale de Venise, laisse Cage et Cunningham un peu désemparés.


 

À cette époque, la compagnie se produit en France, comme le montre un document de Jackie Raynal, Étienne Becker & Patrice Wyers, mais y est accueillie avec des tomates, tandis que l’Angleterre, à l’époque du swinging London, fait un franc succès à la troupe.
Le spectateur est placé en état contemplatif devant les images de danse saturées de couleur, les scènes et séquences toutes agencées avec finesse.
L’une des plus réussies étant selon nous celle du ballet Summerspace (1958) dont le décor et les costumes pointillistes produisent l’effet de camouflage recherché et obtenu par Rauschenberg.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°398, décembre 2019


Cunningham. Réal, sc : Alla Kovgan ; ph : Mko Malkhasyan ; mont : Andrew Bird ; mu : Volker Bertelmann. (France-Allemagne, 2019, 88 mn). Documentaire.



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