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’71 (2013)
de Yann Demange
publié le mercredi 29 octobre 2014

par Philippe Lemiere
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle de la Berlinale 2014

Sortie le mercredi 29 octobre 2914


 


’71 raconte la traque d’un soldat anglais égaré dans le quartier catholique de Belfast pendant "les troubles". Poursuivi par les membres de l’IRA, par les services de renseignement anglais et les partisans loyalistes qui veulent sa peau, Gary, seul contre tous, va s’employer une nuit durant à retrouver son régiment, et ça ne va pas être facile.


 

Le réalisateur de ’71 s’applique à ne rien oublier des poncifs du genre : c’est un film d’action. Le héros halète, il y a des coups de feu et du sang qui gicle. Le soldat égaré est rapidement couvert de sang, les blessures sont montrées en gros plan.


 

Quand il faut courir, la caméra gigote dans tous les sens pour bien montrer qu’on se dépêche, et les images sont floues. À chaque fois que le héros va se retrouver dans une mauvaise posture, la musique nous prévient et balance une basse qui cogne au rythme du cœur, histoire qu’on ne s’y trompe pas.
Il y a un petit suspense quant au sort de Gary : arrivera-t-il à regagner son camp sain et sauf ? On ne s’inquiète pas trop : au tout début du film, il a quitté son petit frère la larme à l’œil et on sait qu’il le reverra à la fin.


 

Mais il est difficile de ne pas se sentir floué par le film quand il s’affranchit du contexte dans lequel il est supposé s’inscrire.
1971 à Belfast, ce n’est pas un moment anodin ni un lieu anecdotique : le conflit en Irlande du Nord s’établissait sur des bases politiques, sociales, religieuses, idéologiques et militaires. Un cocktail pour le moins explosif, dont chaque composante suffisait à elle seule à justifier un contexte de guerre civile.


 

La complexité de cette situation, qui sert de toile de fond au film n’est absolument pas prise en considération, ni même effleurée. Elle est juste évoquée de manière caricaturale et à la limite du parodique.


 

On peut comprendre que le projet du réalisateur n’était pas de faire un documentaire ou un film didactique, forcément orienté sur la situation irlandaise. On peut accepter que son but ait été de décrire l’évolution de la personnalité et de la psychologie de son jeune héros confronté aux dangers d’une situation hors norme et violente.


 

On distingue vaguement l’ambition d’évoquer les zones floues qui subsistent dans tous les conflits, ou les belligérants (et en particulier les chefs, ceux qui dirigent et décident du sort des autres) ne sont jamais loin d’un compromis, d’un reniement ou d’une trahison pour gagner un peu plus de pouvoir, d’argent ou plus simplement pour sauver leur peau. Pour que ces différents aspects fonctionnent et se répondent dans le film, encore aurait-il fallu qu’ils soient liés entre eux par cet environnement spécifique qui donnait au conflit nord-irlandais cette dimension exceptionnelle et tragique.


 

En s’affranchissant de la complexité et de la réalité de la situation politique et sociale qui prévalait à Belfast en 1971, Yann Demange ne réalise qu’un banal film d’action. Film d’action qui vaut ce qu’il vaut, qui pourra satisfaire les amateurs du genre, mais qui rate l’opportunité d’accéder à cette dimension supplémentaire qui emporte l’adhésion.

Philippe Lemiere
Jeune Cinéma en ligne directe


’71. Réal : Yann Demange ; sc : Gregory Burke ; ph : Tat Radcliffe ; mont : Chris Wyatt ; mu : David Holmes. Int : Jack O’Connell, Paul Anderson, Sean harris, Sam Reid (Grande- Bretagne, 2013, 99 mn).



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