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Grand Budapest Hotel (the) (2014)
de Wes Anderson
publié le lundi 27 avril 2020

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°358, mars 2014

Sélection officielle de la Berlinale 2014
5 Oscars en 2015

Sortie le mercredi 26 février 2014


 


Wes Anderson excelle dans l’art de (re)créer des univers imaginaires fascinants. Avec ce nouveau film, il porte ce talent à un niveau rarement atteint. Même s’il revendique une inspiration dérivée de Stefan Zweig, s’il utilise un décor en partie réel, tout s’inscrit dans sa recherche d’une poésie débridée que chaque scène, chaque image exaltent. Il crée ainsi un pays imaginaire, Zubrowka, qui correspond en fait à une marque de vodka, tandis que le lieu qui va devenir son hôtel du titre pourrait très bien provenir de l’univers lubitschien. On se retrouve donc au cœur de ce qui fait le charme de son cinéma, à savoir ce savant mélange de réalité et d’imaginaire qui donne l’impression que tout réel peut devenir source d’histoires pour (grands) enfants.


 


 

Son Grand Hotel Budapest se situe en Europe centrale entre les deux guerres, grande bâtisse dans la montagne qui a connu des jours meilleurs et dont l’ancien concierge, Auguste, est au cœur d’une histoire haletante. Il a sous ses ordres Zero, un jeune lobby-boy plein de ressources que l’on retrouve bien plus tard racontant cette aventure à un écrivain de passage, venu chercher le calme dans les montagnes enneigées.


 

Un tel lieu se prête idéalement à un récit qui mêle références historiques et cinématographiques entrecroisées. Surtout, Wes Anderson lance ce récit sur un rythme trépidant, ne reculant devant aucune difficulté dans la conduite des péripéties. Pour faire vite, le concierge qui a entretenu une relation torride avec une vieille cliente, hérite d’un tableau de la Renaissance que les héritiers de la famille ne veulent en aucun cas lui abandonner. Le spectateur se fera un délice de voir comment Auguste et Zero vont se sortir de la course poursuite qui démarre, dans laquelle on trouve des vilains qui préfigurent sur de nombreux points les nazis.


 


 

Tous les ingrédients du cinéma de Wes Anderson sont ici rassemblés et d’une certaine manière amplifiés, comme dans une superproduction à sa manière, à savoir toujours artisanale dans l’esprit.
Le film se révèle aussi être une brillante réflexion sur ce qu’est l’art de raconter. Il commence d’ailleurs sur l’image d’une jeune femme qui s’assoit sur un banc devant le buste érigé en l’honneur de Gustave et qui ouvre un livre. On est à la fois dans l’univers du conte et du livre porteur de rêve.
Tout le film baigne dans cette atmosphère de rêve éveillé qui emmène le spectateur dans une délectation constante, aussi bien pour l’architecture d’un récit maîtrisé dans le moindre détail que dans la création de personnages tous aussi surprenants les uns que les autres.


 

Le casting rassemblé est stupéfiant. À voir l’affiche, on se demande comment tant de personnalités peuvent cohabiter sans faire éclater le film de l’intérieur.
Mais tous, habitués comme nouveaux, y trouvent merveilleusement leur place. Certains ne sont que des figures fugaces quoique inoubliables, les rôles principaux tiennent le devant du décor comme dans ces boîtes magiques dans lesquelles tous les personnages s’ordonnent dans une profondeur de champ que l’œil peut appréhender sans avoir besoin d’accommoder.


 

C’était déjà le magnifique travail de perspective dans la première séquence de Moonrise Kingdom (1) qui inscrivait la famille dans un intérieur à l’échelle d’une maison de poupée.
Tout dans le cinéma de Wes Anderson paraît facile tant il parvient à faire oublier le travail qu’il y a derrière pour privilégier le plaisir pur, sans doute celui de l’artiste, pour sûr celui du spectateur.

Bernard Nave
Jeune Cinéma n°358, mars 2014

1. Moonrise Kingdom de Wes Anderson (2012) a fait l’ouverture de la 65e édition du Festival de Cannes le 16 mai 2012, il y était également en compétition officielle.


The Grand Budapest Hotel. Réal, sc : Wes Anderson ; ph : Robert D. Yeoman ; mu : Alexandre Desplat. Int : Ralph Fiennes, Tony Revelori, Edward Norton, Jude Law, Bill Muray, Owen Wilson, F.Murray Abraham, Matthieu Amalric, Lea Seydoux, Saoirse Ronan, Willem Dafoe, Adrien Brody, Tilda Swinton, Harvey Keitel, Tom Wilkinson (USA, 2014, 100 mn).



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