Après deux longs métrages de fiction, dont l’inoubliable Depuis qu’Otar est parti, récompensé du Prix Marguerite Duras en 2004, voici, dans la filmographie de Julie Bertucelli, un dixième documentaire, La Cour de Babel.

Cela se passe dans une classe d’accueil d’un collège parisien, rue de la Grange-aux-Belles, dirigée par la professeur Brigitte Cervoni, où des adolescents de 15 ans originaires de vingt pays du monde étudient la langue française et apprennent à vivre ensemble.
C’est une immersion totale, riche et joyeuse, un échange de mots, de prononciation, d’accents, de voix et de rires.

Julie Bertucelli filme les élèves face caméra, chacun évoque les blessures de l’exil, les tourments affectifs et notamment pour certains d’entre eux, l’absence douloureuse des parents, leur difficulté à travailler dans de mauvaises conditions de logement et malgré cela, la farouche volonté de réussir, alliée à un désir d’intégration véritable. Leurs visages sont expressifs, une grâce les habite.

Ce qui attache et parfois bouleverse c’est la pugnacité, le merveilleux que Julie Bertucelli a su capter des personnalités de chacun. Ce microcosme mondial dépeint une jeunesse diverse et multiple où se côtoient religions et classes sociales dans l’amitié et la bonne intelligence.

Le dernier plan du film est une belle métaphore de la mêlée des joueurs de rugby, où les uns et les autres se réunissent et s’enlacent en une seule forme compacte et vivante. Ce film par son écriture scénaristique rejoint celui de Mariana Otero, À ciel ouvert, qui, par l’intrusion de la caméra à l’intérieur d’un institut médico-pédagogique pour handicapés mentaux accompagne une rencontre humaine. (1)

Les deux réalisatrices intercalent les séquences de discussions avec les parents - ou les soignants - et les prises de vues durant les leçons, avec les magnifiques plongées en plans fixes à travers les arbres sur la cour de récréation. Plans récurrents permettant une parenthèse dans la pensée, une respiration nostalgique. Un même rythme parcourt ces films construits à la fois dans un souci de documenter sur ces institutions parallèles d’enseignement, de rendre compte d’histoires humaines et d’évoquer l’intégration dans tous les sens du terme.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°358, mars 2014

1. À ciel ouvert de Mariana Otero est sorti le 8 janvier 2014.

La Cour de Babel. Réal, sc, ph : Julie Bertucelli ; mus : Olivier Daviaud ; mont : Josiane Zardoya. Int. : les adolescents du collège, Brigitte Cervoni. (France 2013, 89 mn). Documentaire.