L’un des livres de cinéma les plus singuliers qui se puissent concevoir : un parallélépipède presque immaculé, d’une blancheur intrigante ; un titre étrange figurant en petits caractères en haut de couverture, un nom d’éditeur inconnu en bas. Une fois l’objet ouvert, sur près d’un millier de pages se succèdent, numérotés, des fragments, des citations, des retranscriptions de propos consacrés au cinéma, sur un siècle.

Ces paroles, non pas innombrables puisque nombrées, forment un montage qui s’apparente à une sorte de film radiophonique, un très long métrage qui se voudrait presque anonyme ; il faut regarder attentivement pour trouver l’auteur de ce travail minutieux : Annick Bouleau.

Pendant des années, elle a collecté ces textes, les unissant peu à peu en séquences. Le résultat est à la fois impressionnant et difficile à appréhender. Si la matière est d’une richesse peu commune, l’accès en demeure peu aisé.

Une telle disposition aurait demandé une série d’index détaillés pour se repérer aisément ; on est donc un peu perdu, et on se promène au hasard dans cette masse étonnante. Comme il s’agit d’une autoédition, il serait souhaitable qu’une nouvelle édition corrige ces menus défauts. L’essentiel demeure, d’un travail à part qui fait revivre des paroles multiples tenues sur le cinéma.

Philippe Roger
Jeune Cinéma n°358, mars 2014

Annick Bouleau, Passage du cinéma, 4992, Paris, Ansedonia, 2013, 992 p.