home > Films > Effacer l’historique (2020)
Effacer l’historique (2020)
de Benoît Delépine & Gustave Kerven
publié le samedi 13 mars 2021

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle en compétition à la Berlinale 2020.
Prix spécial Ours d’argent du 70e anniversaire du festival

Sortie le mercredi 26 août 2020


 


Rien n’est plus difficile que l’évocation cinématographique d’un concept, d’une pensée ou d’une réflexion sur un sujet sociétal ou politique. Celui choisi par le tandem des réalisateurs Benoît Delépine et Gustave Kerven est le vaste monde des nouvelles technologies, vague déferlante qui régit dorénavant les rapports et les faits et gestes des êtres humains au niveau planétaire. S’attaquer à un tel sujet universel et sensible, rend la tentative des réalisateurs intéressante, le seul problème est la forme, donc le genre pour le dire.


 


 

Les acteurs et actrices, Blanche Gardin, Corinne Masiero, Benoît Poelvoorde, Denis Podalydès pour ne citer que quelques-uns, promettent une comédie loufoque, hilarante, décalée, capable d’insuffler des cascades de sourires et de rires.


 

Pourquoi alors l’éclat de rire n’est-il pas au rendez-vous ?
Le jeu des acteurs comme le scénario sont teintés de gravité. Cette gravité occupe l’espace du film, elle l’habite et l’étouffe de façon omniprésente, la lutte quotidienne des personnages contre les technologies s’avère impossible, elle est désespérante et désespérée.


 

C’est en cela que le film réussit son pari, par ce sentiment de ne plus rien contrôler, d’être totalement à la merci de ce nouvel ordre mondial robotisé et mortifère. Les personnages sont prisonniers du système, esclaves et séduits à la fois, pris dans l’engrenage de la flatterie et du mensonge et isolés plus que jamais des autres.


 

Les acteurs finissent par lâcher prise, Corinne Masiero militante dans la vie civile, n’hésite pas à franchir un rond-point en diagonale et hurler sa rage sincère et profonde.Blanche Gardin la moue défaite, se fait avoir par un salopard qui la fait chanter avec une vidéo, Vincent Lacoste, très bon dans le rôle, exprime autant le détachement pervers que la conscience de son pouvoir. Benoît Poelvoorde dans son rôle de livreur est réellement désespéré.


 

Et cette quête impossible jusqu’en Californie pour effacer l’historique tout à fait illusoire et inutile. Il y a du romanesque dans cette épopée contemporaine, quelque chose de très ancré dans l’histoire du peuple et dans l’esprit des réalisateurs, la lutte pour la survie digne, humaine, intelligente, qui prend parfois des allures d’utopie délirante et sauvage. Le film donne l’ampleur et la couleur d’un futur très proche qui avance inexorablement vers l’aberration, aux portes du désenchantement, du renoncement et de la démission.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe


Effacer l’historique. Réal : Benoît Delépine & Gustave Kerven ; ph : Hugues Poulain ; mont : Stéphane Elmadjian ; son : Régis Boussin & Fabien Devillers. Int : Blanche Gardin, Denis Podalydès, Corinne Masiero, Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Vincent Dedienne, Philippe Rebbot (France, 2020, 106 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts