home > Films > Gebo et l’ombre (2012)
Gebo et l’ombre (2012)
de Manoel de Oliveira
publié le lundi 15 décembre 2014

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 347-348, septembre 2012

Mostra de Venise 2012

Une pièce de peu de décor, de peu de vie, les fenêtres mêmes y sont opaques.

Un seul cadre, plusieurs personnages et pas des moindres (Jeanne Moreau, Michael Lonsdale, Claudia Cardinale, Leonor Silvera, Ricardo Trepa, Luis Miguel Cintra), entrent, s’assoient, parlent.

Ils sont heureux d’être ensemble, et se lamentent aussi d’être sans nouvelles du fils. Ils souffrent, pleurent, reniflent.

Un cadre, un seul, dont le décor peint à grands coups de brosse, crée une atmosphère rugueuse et modeste, comparable à celles de tableaux de peintres du siècle passé dont les portraits rougeoient à la lueur de la bougie, les corps statiques aux statures imposantes semblent pétrifiés par le froid dans leurs habits rêches et épais.

Un cadre, un tableau que le peintre Oliveira compose, efface, reprend. Il y introduit des personnages, les estompe, les rappelle à la surface, les fait renaître à la couleur sur la toile de l’écran.

À partir de la pièce du dramaturge portugais Raul Brandao, Oliveira tisse une œuvre d’art.
Comme dans le tableau, la nature est silencieuse, les biscuits restent dans le plat, le temps est suspendu, est-il ancien, est-il actuel ?

La pauvreté s’invite dans le dialogue, le fils rebelle hurle sa fureur de devoir voler pour manger, il vole son propre père qui se dénoncera à sa place car les aînés sont cou- pables et responsables, ils le savent.

Gebo ne quittera pas le tableau, par ordre de la police, il se lève se tient debout dans l’instantané du portrait.

Le temps s’étire, la conversation rejoint parfois les répliques d’un théâtre suranné, on s’y ennuie, mais on assiste à un conte contemporain sur l’état d’une société qui vacille et se noie dans un langage où la peinture affleure le cinéma.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 347-348, septembre 2012

Gebo et l’ombre (O Gebo e a sombra). Réal, sc : Manoel de Oliveira d’après Raul Brandao ; ph : Renato Berta ; mont : Valérie Loiseleux. Int : Jeanne Moreau, Michael Lonsdale, Claudia Cardinale, Leonor Silvera, Ricardo Trepa, Luis Miguel Cintra, Bastien Guio (France-Portugal, 2012, 95 mn).

Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts