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Au-dessous du volcan (1984)
de John Huston
publié le samedi 27 mars 2021

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n°160, juillet-août 1984

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 1984

Sortie le mercredi 12 septembre 1984
Sortie en blu-ray chez Carlotta le 7 avril 2021


 


Avec Au-dessous du volcan, John Huston prouve une nouvelle fois qu’il reste, à 77 ans, un des meilleurs, des plus passionnants, des plus complets réalisateurs américains. Son art de mener un récit, son humour sont plus éclatants que jamais. Une danse macabre de marionnettes ; un squelette moustachu, chapeau mexicain sur la tête et bouteille de tequila à la main ; le générique se termine.


 

Albert Finney, en habit de soirée, apparaît se promenant au milieu des Mexicains qui préparent la fête des morts. Le décor est posé. Albert Finney, c’est Geoffrey Firmin, consul britannique et alcoolique notoire.


 

Rongé par l’alcool, obsédé par la mort, il essaie en vain de renouer avec sa femme qui l’a quitté. Elle revient et rien n’est résolu car le mouvement du destin est implacable. La chute du consul est inexorable. Les efforts d’Yvonne pour tenter de retrouver son mari et de Geoffrey pour lui échapper se conjuguent et mettent en place le gouffre immense qui désormais les sépare. Et pourtant, ils s’aiment encore, ils n’ont jamais cessé de s’aimer.


 

Le consul, nostalgique et désespéré, ne peut que l’entraîner dans un désastre apocalyptique. Écrasé par son incapacité à vivre, envoûté par ses délires, il choisit l’enfer, et ne supportant plus rien ni personne, il suit un itinéraire, de sa première apparition à son assassinat dans un bordel visqueux et sordide qui, totalement dérisoire, n’en est pas moins héroïque. Geoffrey, douloureusement, méthodiquement, va tuer tout espoir de réconciliation. Les souvenirs, les regrets s’accumulent tandis que les violences se multiplient découvrant en filigrane l’existence d’un mouvement fasciste dont la morgue de ses membres s’avère lourde de menaces.


 


 

"L’enfer a ma préférence", clame Albert Finney qui sèmera Hugh, son demi-frère, et Yvonne pour arriver au terme de sa quête, là où enfin sa vie touche le fond. Après un dernier sursaut de bravoure inutile (il s’oppose à des fascistes mexicains qui le prennent à partie dans le bordel), il sera délivré, et sa mort sera, comme il le dit dans un souffle, "lamentable" à l’ombre du Popocatepelt majestueux, immuable, ironique. Aucune notion de rachat dans cette fin, mais bien au contraire une déchéance totale et volontaire.


 

John Huston place ses personnages dans des paysages superbes, dans une imagerie violente. Les derniers plans sont de ce point de vue assez extraordinaires : l’orage gronde, Geoffrey s’écroule, le cheval blanc, élément traditionnel du destin chez Huston, s’enfuit et bouscule Yvonne sur le chemin détrempé. Chaque séquence est agencée pour mener le consul au bout de son autodestruction. La caméra se met à cahoter, à tituber. Le monde entier prend les couleurs de son ivresse.


 

Et puis John Huston a su choisir un acteur hallucinant, Albert Finney, dont les regards, les mimiques, les intonations, l’élocution, la démarche trahissent la déchéance à la perfection. Jacqueline Bisset et Anthony Andrews, réduits à des stéréotypes, semblent par contre bien ternes face à un tel ouragan.


 

Au-dessous du volcan est aussi un roman célèbre et foisonnant de Malcolm Lowry paru en 1947. Il paraît que John Huston et Guy Gallo, le scénariste, ont choisi de privilégier les douze dernières heures de la vie du consul britannique.
Le réalisateur a-t-il suivi le roman à la lettre, l’a-t-il trahi ? Peu importe, iconoclaste ou non, John Huston a réalisé une œuvre pleine, superbe, où le Mexique et l’alcool, geôliers terrifiants, sont au centre de l’évolution des personnages et de leurs comportements et influencent leur intime devenir face à un univers qui les écrase de son indifférence. Chaque plan du film s’avère d’une beaute mortelle et l’ensemble acquiert une dimension mystique au-dessous du volcan... Feu de la terre et de Dieu.

Gérard Camy
Jeune Cinéma n°160, juillet-août 1984


Au-dessous du volcan (Under the Volcano). Réal : John Huston ; sc : Guy Gallo, d’après le roman de Malcolm Lowry ; ph : Gabriel Figueroa ; mont : Roberto Silvi ; mu : Alex North. Int : Albert Finney, Jacqueline Bisset, Anthony Andrews, Ignacio López Tarso, Katy Jurado, James Villiers, Dawson Bray, Carlos Riquelme, Jim McCarthy (USA, 1984, 112 mn).



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