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Ici Najac, à vous la Terre (2006)
de Jean-Henri Meunier
publié le dimanche 15 mars 2020

Sélection officielle Hors compétition au Festival de Cannes 2006

Sortie le mercredi 7 juin 2006

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°303-304, été 2006


 


Faute d’avoir vu le précédent, La Vie comme elle va, (1) que Jean-Henri Meunier avait déjà consacré à Najac, son village d’adoption, il y a 3 ans, on s’inquiète un peu, dès le générique devant le petit air Quatre Saisons d’Espigoule (2). Va-t-on avoir le couplet sur le bon vieux temps, les archétypes provinciaux immobiles, la douceur de vivre au pays, tout ce qui fait le charme certain mais étriqué des téléfilms du samedi soir sur FR3 ? Car effectivement, ils sont tous là les éléments de la force tranquille de la vieille affiche de Mitterrand : le village, le clocher, les arbres.


 


 


 

Mais par un léger miracle, tout ce petit monde que l’on croit connaître par cœur, s’anime et prend une dimension telle que l’on reste accroché pendant les 97 minutes.
Ce n’est pas à cause de l’originalité des personnages, le maire, le boulanger, l’Irlandais gratteur de guitare, le bricoleur amoureux de ses épaves de voitures. On les a déjà vus, ou leurs frères, dans bien des documentaires sur la France profonde.


 


 


 

Mais sans doute à cause du regard complice que l’auteur glisse sur eux, tissé d’une connivence qui donne à chacun une épaisseur romanesque véritable : la bistrotière dépressive qui évoque son labyrinthe intérieur avec de grands rires, le boulanger qui parle d’éthique, le vigneron qui philosophe.
La scène de l’enlèvement des carcasses d’automobiles et le désarroi dans les yeux de leur propriétaire, par exemple, est un modèle de justesse de ton. Comme l’on sait, grâce aux séquences précédentes, combien ces épaves sont pour lui importantes, son impassibilité tendue pendant l’opération créée un moment déchirant.


 


 

Jean-Henri Meunier esquive les scènes à faire, fête du pays ou autre, décrit sans s’appesantir l’incongruité des habitants - le chef de gare sans trains et ses rodéos en mobylette, le mécanicien astucieux, le militant de la Confédération paysanne... - et trace un portait de la douceur du village pas du tout réactionnaire.


 

Nous sommes loin de ces célébrations convenues de la terre qui ne ment pas, de Une hirondelle a fait le printemps à Je vous trouve très beau, si florissantes depuis ce début de siècle. (3)


 

On peut se promener dans Najac sans crainte d’y croiser de grands acteurs déguisés en paysans bougons. Quelle chance !

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°303-304, été 2006

1. Cf. "Jean-Henri Meunier, une œuvre", Jeune Cinéma n°402-403, automne 2020

2. Les Quatre Saisons d’Espigoule de Christian Philibert (1999).

3. Une hirondelle a fait le printemps de Christian Carion (2001).
Je vous trouve très beau de Isabelle Mergault (2006).


Ici Najac, à vous la terre. Réal, sc, ph : Jean-Henri Meunier ; mont : Yvon Deschamps ; mont son : Stratos Gabrielidis. Int : Henri Sauzeau, Arnaud Barre, Henri et Simone Dardé, Hubert Bouyssière, Serge et Samuel Itkine (France, 2006, 97 mn). Documentaire.



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