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Un pays qui se tient sage (2020)
de David Dufresne
publié le mercredi 19 mai 2021

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°406-407, printemps 2021

Sorties les mercredis 30 septembre 2020 et 19 mai 2021


 


Voici l’exemple même d’un film documentaire que l’on aimerait soutenir sans réserve et qui, une fois la réflexion décantée, laisse un goût d’inachevé.
Il est vrai que le sujet ne manque pas de pertinence, qui porte sur les violences policières lors des derniers grands conflits sociaux (Gilets Jaunes, réforme des retraites, etc.).


 

David Dufresne collationne ici nombre de vidéos prises au cours de confrontations violentes, maintes fois utilisées, fractionnées au gré d’analyses contradictoires par les grands média. Il les utilise dans leur durée, en identifiant leurs sources, et surtout en les confrontant à l’analyse d’un panel d’intervenants très divers pour en dégager ce qu’elles révèlent de l’évolution de l’usage de la police comme bras armé du pouvoir face au peuple.


 

Historiens, sociologues, syndicalistes de la police, filmés de près, prennent la parole pour déployer une réflexion multiforme sur la nature et le contenu des images. Images que nous sommes amenés à reconsidérer autrement que pour leur caractère spectaculaire, voire scandaleux.
Partir de l’indignation pour mener une réflexion la plus large possible, tel est l’objectif que se fixe David Dufresne. Aussi bien dans le choix des intellectuels convoqués que dans le montage de leur propos, le film donne du grain à moudre au spectateur soucieux d’aller au-delà des raccourcis trop souvent égrenés dans un sens ou dans l’autre.


 

Film nécessaire donc, car il vient à point nommé dans un débat urgent et toutefois pas facile à borner. Au moins, il prétend et tente d’apporter une contribution par les moyens du cinéma. À savoir que ce que l’on entend a pu être déjà lu dans les innombrables pages "Idées" dans nos quotidiens et hebdos de chevet. La différence ici vient de ce que l’image incarne la réflexion et nous tend un miroir avec lequel établir un dialogue plus personnel. Encore plus quand les projections sont suivies de débats.


 

Le risque toutefois est de ne travailler le sujet que dans une seule optique. Celle d’une dénonciation univoque, d’autant plus dérangeante à la longue qu’elle tend à la redite, par des spécialistes qui parlent d’une position surplombante dont on est censé accepter la vérité. D’autant plus dérangeante que l’on sent bien que ce ne sont pas des gens qui se retrouvent au front des manifestations dont ils commentent les images.
Avec, semble-t-il, le risque de ne pas aborder la question de la violence de certains manifestants qui ne peut en rien se justifier par la seule violence policière.
Quid du résultat par rapport au dévoiement des objectifs à l’origine de certaines manifestations ? Ou de l’efficacité d’objectifs anticapitalistes dont il faudrait enfin se demander en quoi ils ébranlent vraiment le dit capitalisme.


 

Enfin, ne serait-il pas temps de questionner le sens de la violence dans sa nature même. Violence "populaire" contre violence policière ne font que des perdants. Dans un tel débat, l’option de la non-violence reste désespérément absente.

Bernard Nave
Jeune Cinéma n°406-407, printemps 2021

* Chez Les Mutins de Pangée.


Un pays qui se tient sage. Réal : David Dufresne ; ph : Edmond Carrère ; mont : Florent Mangeot. Avec Monique Chemillier-Gendreau, Alain Damasio, Ludivine Bantigny, Mathilde Larrère (France, 2020, 86 mn). Documentaire.



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