Divas (2021)
De Oum Kalthoum à Dalida
publié le vendredi 21 mai 2021

Paris, Institut du Monde arabe (19 mai-26 septembre 2021).

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe


 


Quoique le concept de diva s’applique au départ au théâtre lyrique et désigne une prima donna d’exception comme La Patti ou La Malibran, il s’est étendu au théâtre tout court avec des figures telles que La Duse ou Sarah Bernhardt et, enfin, au 7e Art ou le terme surclasse celui de star dans le cas de Francesca Bertini, Lydia Borelli et de Greta Garbo, la "Divine".
C’est sous l’angle du cinéma que nous considérons la magnifique exposition imaginée par Hanna Boghanim et Élodie Bouffard, scénographiée avec talent par Pascal Payeur et Patrick Hoarau.


 

Son parcours est chronologique et clair tandis que les espaces du bâtiment de Jean Nouvel sont plongés dans une pénombre propice au rêve, au conte, à la féerie.
Une salle agréablement agencée présente une collection de robes somptueuses jadis portées par ces reines de la nuit.
Une autre recense les cinémas érigés comme des temples pour accueillir jusqu’à 2000 s(p)ectateurs. Un auditorium fait revivre Fayrouz et Warda sur scène, et dévoile les rushes du film inachevé de Youssef Chahine sur Oum Kalthoum, sonorisés pour l’occasion. (1)

Le corpus filmique est immense qui va, pour n’en citer que quelques exemples, du film muet Laïla de Widad Orfi & Stéphane Rosti (1928), avec Aziza Amir (actrice, co-auteure et productrice avant la création des studios Misr) au Sixième jour de Youssef Chahine (1986), avec Dalida, en passant par le premier film sonore égyptien, La Chanson du cœur de Mario Volpe (1932), avec Nadra, et
Wedad de Fritz Kramp, Gamal Madkoor & Ahmed Badrakan (1936), première apparition écranique de Oum Kalthoum.


 

Il faut mentionner aussi, par exemple, La Dame aux camélias de Togo Mizrahi (1942), avec Laila Mourad ; Amour et Vengeance de Youssef Wahbi (1944) avec la photogénique Asmahan, la sœur cadette de Farid el-Atrache ; Madame la diablesse de Henry Barakat (1949), avec, précisément, Farid el-Atrache et Samia Gamal ; La Sangsue de Salah Abou Seif (1956), avec Tahiyya Carioca ; La Princesse arabe de Niazi Moustafa (1963), avec Warda ; L’Exil de Henry Barakat (1967), avec la Libanaise Fairouz.


 

Il faut dire qu’en deux décennies le cinéma égyptien est devenu pour l’ensemble du monde arabe ce qu’a pu représenter le cinéma mexicain pour toute l’Amérique latine. À tel point qu’il est devenu, après le coton, le deuxième produit d’exportation du pays et une appréciable source de revenus.


 

Dans le beau catalogue de l’exposition, Frédéric Lagrange analyse la transformation du théâtre chantant égyptien en langue arabe en un "cinéma chantant" qui a donné quantité de comédies plus ou moins démarquées des musicals américains, ce qui a valu au Caire son surnom de "Hollywood-sur-Nil".
Ce cinéma a voué un culte particulier aux vedettes féminines. Oum Kalthoum s’y maintient dans un registre noble faisant appel à la plus haute poésie, touchant après la scène, la radio et le disque le public le plus vaste. La plupart des autres artistes restent dans le pur divertissement qu’on nomme la taqtûqa.
L’exposition valorise la danse dite orientale avec, outre Carioca, Naïma Hakef, Hind Rostom et l’inégalée Samia Gamal.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. En 2008, l’IMA avait consacré une exposition à la star de réputation internationale, la "quatrième pyramide" de l’Égypte : Oum Kalsoum (17 juin-2 septembre 2008). On pouvait y voir ses obsèques nationales, le 3 février 1975 au Caire, filmées par Youssef Chahine (1926-2008). Il avait dirigé les plus grandes figures du monde musical arabe, Farid El Atrache, Chadia, Majda El Roumi, Dalida. Il fut chargé du biopic de Oum Kalthoum que Nasser avait offert à la star pour la remercier de son soutien. Le projet ne verra finalement jamais le jour.


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