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Qui chante là-bas ? (1980)
de Slobodan Sijan
publié le mercredi 19 mai 2021

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°404-405, hiver 2020-2021

Sorties les mercredis 13 janvier 1982 et 19 mai 2021


 


Malavida (1) nous permet de découvrir ou de redécouvrir en salle, dans une magnifique version restaurée, une pépite de la cinématographie de l’Est, qui fut distribuée en France dans un circuit des plus restreints peu après sa sortie en 1980. Il s’agit du premier film de Slobodan Šijan, un réalisateur de fiction serbe, sur un scénario spécialement écrit par le grand auteur dramatique Dušan Kovačević.


 

Cette comédie burlesque, qui connut un immense succès dans les Balkans, se déroule en deux journées à peine, à partir du 5 avril 1941, date de l’invasion de la Yougoslavie par les armées d’Hitler.

En prologue, deux très jeunes Tsiganes, en gros plan, interprètent une ballade face caméra. L’un alterne chant et accordéon, l’autre joue de la guimbarde. Peut-on parler d’action ?


 


 

Plutôt d’un voyage, dans un autocar rouge vif, arrivant et redémarrant d’une bâtisse en pierre faisant office de gare routière, carburant au charbon, crachotant une épaisse fumée noire. Le véhicule, brinquebalant, avance poussivement, cueillant ses voyageurs au milieu de nulle part, à travers un paysage de steppe, avant de poursuivre sa route ou plus exactement une piste terreuse à peine praticable.


 

Au bord d’un parc à moutons monte une petite troupe de passagers : un chanteur de charme qui, pour bichonner ses cordes vocales, gobe un œuf ; un bourgeois en costume sombre qui se lamente de l’état du monde, du chaos ambiant et de l’absence de ponctualité des transports publics ; un ancien soldat en costume folklorique ; un tuberculeux bruyant, toussotant, éructant ; un chasseur, fusil à sa portée ; nos deux petits gitans du début.


 

Par la suite, on récupérera un couple de jeunes mariés, puis après une autre halte, un pope en soutane, enfin... les trois petits cochons qui manquaient à cette fable. Tout ce monde se dirige vers Belgrade, inconscient du danger.


 


 

On songe forcément à Stagecoach de John Ford (1939), d’autant qu’on aura droit à une scène de western avec échanges de tirs et, bien sûr aussi, à l’équipée en autocar de Subida al cielo de Luis Buñuel (1952). Le film est d’ailleurs émaillé de signes surréalistes, de présages, de prémonitions. Et même d’une claire allusion à la course-poursuite d’esprit burlesque de Entr’acte.


 

Avant que la grande Histoire ne croise la petite, on assiste aux querelles entre les protagonistes. Autant dire que ces péripéties, comme le reste du film, relèvent du loufoque. Le leitmotiv des petits chanteurs roms rythme le récit à la manière du chœur antique de la tragédie et boucle lyriquement la bande.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°404-405, hiver 2020-2021

1. Qui chante là-bas chez Malavida.


Qui chante là-bas ? (Ko to tamo peva). Réal : Slobodan Sijan ; sc : Dusan Kovacevic ; ph : Bozidar Nikolic ; mont : Lana Vukobratovic ; mu : Vojislav Kostic. Int : Pavle Vuisic, Dragan Nikolic, Danilo Bata Stojkovic, Aleksandar Bercek, Neda Arneric (Yougoslavie 1980, 86 mn).



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