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Père de Nafi (le) (2019)
de Mamadou Dia
publié le mardi 8 juin 2021

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 406-407, printemps 2021

Sélection officielle du Festival de Locarno 2019
Léopard d’or

Sorties le mercredis 7 janvier et 9 juin 2021


 


Le film - qualité de l’image, couleurs, travail des acteurs non-professionnels - est remarquable. Tourné en pular, la langue de cinquante millions de Peuls, ce premier film a reçu le prix de la première œuvre et le Léopard d’or de la section Cinéastes du présent à Locarno 2019. Son auteur, Mamadou Dia, est un réalisateur sénégalais formé à la New York University Tisch School of the Arts. Il a fondé la société de production Joyedidi avec un autre jeune réalisateur sénégalais, Maba Ba, pour raconter des histoires qui montrent une vision du monde à partir de la perspective sous-représentée de l’Afrique noire.


 


 

C’est le cas de ce film dans lequel, Roméo et Juliette modernes, Nafi et Tokara s’aiment depuis longtemps, dans une petite ville imaginaire, Yonti, en réalité Matam, ville natale du réalisateur.

À travers cette histoire d’amour de deux jeunes dont le rêve est de faire des études à Dakar, Mamadou Dia dresse un portrait du Sénégal contemporain, pays à l’islamisme doux et teinté d’animisme, mais qui risque fort de sombrer à son tour dans la terreur de l’extrémisme religieux.


 


 

Le père de Nafi est un imam modéré, apprécié, mais qui souffre d’une maladie qui le fragilise. Il s’oppose à son frère qui brigue le poste de maire et s’est allié à un cheikh qui veut imposer l’islam radical pour nettoyer la ville. Le Sénégal est certes une république qui ne devrait pas craindre ce basculement, mais le film s’emploie à nous démontrer l’inverse, personne n’étant à l’abri de cette situation, en Afrique comme ailleurs. On le voit à divers détails, la volonté de faire voiler les femmes, l’insistance sur les traditions religieuses, le maniement des armes dans ce village, pacifique jusqu’alors.


 


 

Le Père de Nafi offre une réflexion à la fois sur l’Afrique et son devenir, ses coutumes, et bien sûr l’émergence d’un islamisme venu du Moyen-Orient qui modifie en profondeur les relations entre les humains, imposant par la violence une religion dévoyée et surtout les ambitions de certains arrivistes. Arrivistes qui jouent sur l’ensemble de la jeunesse en faisant mine de lui apporter des solutions. C’est ce que suggère la dernière image du film. Bilal, l’enfant des rues dont on n’a jamais vu les parents, est une cible idéale : un jeune délaissé, sans diplôme ni formation, dont l’imam va s’occuper, en lui donnant un sentiment d’appartenance. Le tour est joué.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 406-407, printemps 2021


Le Père de Nafi (Baamum Nafi). Réal, sc : Mamadou Dia ; ph : Sheldon Chau ; mont : Alan Wu ; um : Gavin Brivik. Int : Saikou Lo, Alassane Sy, Panda Daly Sy (Sénégal, 2019, 107 mn).



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