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Moffie (2019)
de Oliver Hermanus
publié le mercredi 7 juillet 2021

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°408-409, été 2021

Sélection officielle de la Mostra de Venise 2019

Sortie le mercredi 7 juilllet 2021


 


Moffie est le quatrième long métrage du Sud-Africain Oliver Hermanus, peu connu en Europe, comme la plus grande partie du cinéma de la RSA. C’est un film intéressant à divers titres : historique, politique puisque l’apartheid y est évoqué, social avec le racisme sous-jacent, et psychologique puisqu’il y est aussi beaucoup question d’homosexualité masculine dans un pays encore divisé et machiste.


 


 

L’action se déroule dans les années 80. C’est l’époque du conflit frontalier entre le Sud-Ouest africain (aujourd’hui la Namibie) et l’Angola. Le réalisateur ne se situe pas alors du côté des Blancs - ses grands-parents et parents sont de couleur -, aussi en raison du fait que les jeunes de la bonne bourgeoisie du temps se sentaient un peu plus privilégiés. Mais le service militaire venait déplacer les valeurs, et le film s’emploie à décrire l’horreur que peut inspirer l’armée, son enfermement et la cruauté des sous-officiers envers des appelés traités comme des condamnés, type Platoon ou Full-Metal Jacket. (1) La guerre se prépare toujours de la même façon, dans l’injustice et les coups.


 


 


 

Aussi, lorsque l’un des appelés, même s’il prend soin de s’en cacher, se révèle homosexuel, le châtiment n’est pas loin. "Moffie" est le terme afrikaner, très insultant, pour désigner les gays. C’est l’arme de la honte, utilisée exclusivement en Afrique du Sud pour humilier les homosexuels ou les efféminés.


 


 

Le film, adapté des Mémoires de André-Carl van der Merwe, raconte la découverte de l’amour et du désir chez son jeune héros, séduit et qui ira jusqu’au bout pour retrouver et sauver le jeune "moffie" que l’armée avait séquestré dans un camp de rééducation pour le punir.


 

Le film fonctionne très bien sur le plan de son sujet et de l’atmosphère créée, quoique s’égarant parfois dans des descriptions inutiles ou redondantes. Mais il y a un style, un ton et une maîtrise du sujet qui ne fournit pas seulement un énième film sur l’homosexualité, mais dresse le portrait d’un pays au moment où il va se défaire du cancer de l’apartheid.


 

La situation a-t-elle beaucoup changé depuis ? Du côté de l’armée, Oliver Hermanus reconnaît qu’il n’en est pas vraiment certain. Mais dans l’opinion publique, elle a évolué, le simple fait de pouvoir réaliser un film comme celui-ci en est la preuve. C’est pour toutes ces raisons que Moffie est important.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°408-409, été 2021

1. Platoon de Oliver Stone (1986), Oscar du meilleur film en 1987.
Full-Metal Jacket de Stanley Kubrick (1987).


Moffie. Réal : Oliver Hermanus ; sc : O.H. & Jack Sidey d’après l’ouvrage de André Carl van der Merwe (2011) ; ph : Jamie Ramsay ; mont : Alain Dessauvage & George Hanmer ; mu : Braam du Toit ; cost : Reza Levy. Int : Kai Luke Brummer, Marl Elderkin, Michael Kirch, Luke Tyler (Afrique du Sud-Grande-Bretagne, 2019, 104 mn).



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